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territoire américain plus de quinze Chinois. Ce bill était une concession aux ouvriers de la Californie, jaloux de la concurrence que les émigrans chinois leur faisaient dans certaines industries. M. Hayes frappa ce bill de son veto, parce qu’il était en contradiction avec les stipulations du traité qui assure aux sujets du gouvernement chinois les mêmes droits et les mêmes avantages qu’aux sujets de toute autre nation. M. Hayes fut soutenu, en cette occasion, par l’opinion des états du Nord, et l’opposition n’essaya pas de faire revivre le bill. La chambre, arrivée au terme de son mandat, se sépara sans avoir voté le budget de la guerre, parce que le parti démocratique s’obstina à introduire dans ce budget une disposition qui interdisait l’emploi des troupes fédérales pour faire la police des élections. Le sénat, de son côté, persista à repousser cet article additionnel, comme portant atteinte aux droits du président, qui a la disposition de la force armée, et pouvant le mettre dans l’impuissance de maintenir ou de rétablir la paix publique. Le président convoqua la chambre nouvelle pour une session extraordinaire de quelques jours, et obtint d’elle le vote des crédits nécessaires à l’entretien des troupes.

Cette opposition taquine, ces tentatives pour désorganiser les services publics, le renouvellement continuel de débats acrimonieux et sans résultat possible produisit à la longue sur l’opinion publique une impression fâcheuse pour le parti démocratique. La facilité avec laquelle ce parti acceptait l’alliance des greenbackers et appuyait leurs candidats quand il n’espérait point faire élire les siens, lui aliénèrent de plus en plus les sympathies du Nord. La faveur publique revenait au parti républicain, qui puisait une force incontestable dans le succès des mesures financières de M. Sherman et dans le réveil de l’industrie et des affaires. L’Angleterre n’avait pas eu, depuis un demi-siècle, une récolte aussi faible que celle de 1879 : en Irlande, ni les blés ni les pommes de terre n’arrivèrent à maturité ; sans être aussi mal traité, le continent européen n’avait pas récolté de quoi satisfaire à ses besoins. Loin de se ralentir, les exportations à destination de l’Europe s’étaient donc accrues et provoquaient de continuels arrivages d’or qui alimentaient l’encaisse des banques et du trésor fédéral. La convertibilité du papier-monnaie était donc assurée, et par surcroît les demandes de la Chine et du Japon, en absorbant la production des mines d’argent américaines, prévenaient la baisse de l’argent et mettaient le trésor à l’abri de la perte qu’aurait pu lui causer la dépréciation des dollars qu’il était obligé de fabriquer mensuellement. Le ministre des finances, qui avait encore 250 millions à payer pour achever la conversion des bons à l’échéance de 1879, pouvait donc