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suisse n’ira que jusqu’à Montereau et fera voir son passeport, ce qui évitera toutes les difficultés de changement de diligence dont parle mon pauvre ami, qui est aussi l’ami de François ; car jamais je ne l’aurois chargé d’aucune autre affaire que de celle de Mme de Poix si je disposois uniquement de lui ou si je pouvois arrêter son zèle.

Faites-vous montrer par Charles de Noailles la lettre que je lui écris. On pourroit se servir pour Mme de Simiane du moyen dont on opère pour M"’de Noailles, mais il faut des parens et beaucoup d’argent pour cela.

Je ne crois pas vous fatiguer par la longueur de ces détails. Vous en avez sûrement besoin. Je saurai, je crois, exactement, des nouvelles de Mme de Poix par ce bon Suisse, qui mande à une marchande de modes ici que sa cousine se porte bien, ce qui me suffit, et arrive. — Je lui enverrai un col écrit en blanc une seule fois, en faisant passer les passeports demandés, pour lui demander une prudence excessive et adjurer son sentiment pour moi de n’avoir qu’une affaire, les intérêts et les ordres de Mme de Poix ; il y aura un passeport pour elle à Paris. Vous entendez que ce ne sera pas chez elle, et sous un nom suisse ; il servira à la décider dans un moment, s’il y avoit un danger nouveau. Après, il faut envelopper sa tête dans un manteau et souffrir sans remuer.

J’ai sauté une page par étourderie. Vous sentez qu’il ne faut parler qu’à des amis intimes de ces moyens par la Suisse. Je voudrois, ce qui est vilain à dire, que nos amis seuls les sussent. Ils sont du moins instruits à Paris qu’ils peuvent sortir de France, dès qu’ils seront libres, à l’instant où ils le voudront. — La vicomtesse de Laval, qui est arrêtée en province comme Mme de Poix à Paris, viendra avec l’homme que j’ai donné à son fils. — J’ai pris depuis que je ne vous ai vu une grande connoissance des gens du peuple. Ma société habituelle, ce sont des hommes qui font le commerce de la vie. Vous vous ferez aisément l’idée de l’agitation d’une telle conversation. J’ai un Genevois très habile tout prêt pour Malouet. — Comme de raison, vous instruirez de ma part Mme de Poix, n’est-ce pas, ma chère princesse ?


Lausanne, 2 juillet.

Voilà encore, ma chère princesse, des fragmens de lettres qui m’intéressent comme vous jusques au fond du cœur. L’arrivée de mon jeune ami suisse me paroît un événement heureux. Il faut sauver notre amie. Elle m’a fait dire par la femme envoyée pour la jeune Nathalie (la comtesse Charles de Noailles) qu’elle me demandoit un passeport pour Juste et que, si une seule de ses amies s’échappoit, elle viendroit. Il est clair par cette lettre-ci qu’elle est ébranlée. Ah ! mon Dieu, qu’elle