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guère le tems de lui écrire aujourd’hui, et demain recommencent mes courses. Veuillez l’embrasser pour moi, lui faire lire cette lettre si elle peut l’amuser, et lui dire, que dans huit à dix jours, je serai chez mon beau-père et j’aurai le loisir de lui écrire.

Adressez-moi donc de vos nouvelles chez lui, près Nérac, Lot-et-Garonne. J’en attends avec impatience, je suis si loin, si loin de vous et de tous les miens ! Adieu, ma chère maman. Maurice est gentil à croquer, Casimir se repose, dans ces courses dont je vous parle, de celles qu’il a faites sans moi à Cauterets ; il a été à la chasse sur les plus hautes montagnes, il a tué des aigles, des perdrix blanches et des isards ou chamois, dont il vous fera voir les dépouilles ; pour moi, je vous porte du crystal de roche : je vous porterais du Barréges de Barréges même, s’il était un peu moins gros et moins laid. Adieu, chère maman, je vous embrasse de tout mon cœur.

Veuillez, quand vous lui écrirez, embrasser mille fois ma sœur pour moi, lui dire que je suis bien loin de l’oublier, mais que cette lettre que je vous écris et une à mon frère sont les seules que j’aie eu le tems d’écrire aux Pyrénées, mais que, quand je serai à Guillery, je lui écrirai tout de suite. Nous comptons y rester jusqu’au mois de janvier, de là aller passer le carnaval à Bordeaux et enfin retourner avec le printems à Nohant, où nous vous attendons avec ma tante.


A Madame Dupin, à Charleville.


Nohant, 25 février 1826.

J’ai bien du malheur, ma chère maman. Je vais à Paris précisément à l’époque où tout le monde y est, et ma mauvaise étoile veut que je ne vous y trouve pas. Je cours chez ma tante pour y apprendre que vous êtes à Charleville. Je vous espère tous les jours, mais je n’ai signe de vie qu’à mon retour ici, où je trouve enfin une lettre de vous. C’est une grande maladresse de ma part que d’aller au bout de deux ans passer quinze jours à Paris et de ne pas vous y trouver. Mais il y avait si longtems que je n’avais reçu de vos nouvelles que je vous croyais bien de retour chez vous. Caron même, chez qui nous avons demeuré, vous croyait sa voisine. Enfin j’ai joué de malheur et me voilà rentrée dans mon Berry, ne sachant plus quand j’en sortirai ni quand j’aurai le bonheur de vous embrasser.

Ma santé, à laquelle vous avez la bonté de porter tant d’intérêt, est meilleure que la dernière fois que je vous écrivis ; la preuve en est que j’ai eu la force de passer quatre nuits dans le courrier, tant pour aller que pour venir, sans être malade ni à l’arrivée ni au