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cheminée, qui a 50 mètres de hauteur ; elle se voyait de la gare de Mons à 7 kilomètres.

Cependant cette gigantesque flamme continuait à brûler, mais en s’affaiblissant ; deux heures après le commencement, on voyait la flamme réduite à 2 métros et osciller à l’orifice, lorsqu’une première explosion se produisit dans le puits. Elle fut suivie de quatre autres, espacées de dix minutes en dix minutes ; enfin, à onze heures trente-six, il y en eut une dernière beaucoup plus violente que les autres. Ces explosions étaient déterminées soit dans le puits, soit dans la mine, par le mélange de l’air avec le grisou aussitôt que la proportion de celui-ci eut été diminuée. Pendant ce temps, les mineurs, avertis par l’état anormal de la mine, s’étaient dirigés vers les échelles, mais le puits qui les contenait étant surmonté par un bâtiment en flammes, laissait rentrer de l’air mêlé de fumée ; toute issue leur était fermée ; la plupart furent brûlés.

Qu’on me permette en finissant cette longue étude de la résumer en quelques mots. Il n’y avait pas de problème plus compliqué que l’organisation d’une houillère, il n’a été sérieusement abordé qu’au commencement de ce siècle. C’est en vue d’épuiser les mines que la machine à vapeur a été inventée ; aujourd’hui, par une curieuse interversion des rôles, c’est pour nourrir les machines à vapeur que l’on vide les mines de houille. On a su faire circuler dans leurs galeries la quantité d’air nécessaire pour alimenter la vie des hommes, le feu des lampes et pour entraîner le grisou ; la lampe de Davy perfectionnée n’enflamme plus le mélange détonant, qui d’ailleurs ne se forme plus. Les systèmes mécaniques pour la descente et la montée des hommes, pour l’enlèvement des produits, pour la circulation à l’intérieur, ont profité de tout ce que la mécanique inventait et profiteront de ce qu’elle inventera. L’air comprimé commence à descendre dans la mine et à y faire son service, l’abatage de la houille sera bientôt réalisé mécaniquement sans explosions. On peut donc être satisfait du présent, tout en espérant que l’avenir fera plus encore. Il n’y a qu’un point noir, si noir qu’il défie toute espérance, l’explosion subite du grisou condensé ; on ne peut que s’abandonner à la grâce de Dieu. Mais ce qu’il faut dire bien haut, c’est qu’ingénieurs, directeurs et ouvriers ont fait et presque dépassé leur de voir : ingénieurs en assurant la sécurité, directeurs en créant des institutions de bienfaisance, ouvriers en se dévouant. Si l’Académie française y voulait regarder, elle trouverait des actes de vertu.


J. JANIN.