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Maurice, grâce à Dieu, annonce une santé robuste. Il est grand, gros et frais comme une pomme. Il est très bon, très pétulant, assez volontaire quoique peu gâté, mais sans rancune, sans mémoire pour le chagrin et le ressentiment. Je crois que son caractère sera sensible et aimant « ses goûts inconstans : un fonds d’heureuse insouciance lui fera, je pense, prendre son parti sur tout assez promptement. Voilà ses qualités et ses défauts autant que je puis en juger et je tâcherai d’entretenir les unes et d’adoucir les autres. Quant à Léontine, vous la verrez. C’est bien une autre pâte à pétrir. On peut tirer beaucoup de bien et beaucoup de mal de ce caractère concentré, réfléchi et susceptible. Elle était charmante entre mes mains. Je savais la prendre. J’ai eu beaucoup de chagrin à m’en séparer, et je m’inquiète de son voyage. Je sens qu’elle me manque et je crains qu’elle ne soit pas aussi bien qu’avec moi.

Hippolyte vous dira que nous attendons le retour de James avec sa femme, mais il ne vous dira peut-être pas les folies qu’il faisait toute la journée ici avec son ancien, son commandant Du PlessiS. J’aurais bien envie de vous régaler d’une certaine histoire de portemanteau, si je ne craignais de vous fatiguer de ces enfantillages. Vous pourrez cependant le taquiner vertement, lorsque vous le verrez boire à table, en lui disant : Est-ce que tu as envie de faire ton portemanteau aujourd’hui ? C’est le mot d’ordre et vous obtiendrez sa confession.

Adieu, ma chère maman. Clotilde est donc décidément grosse ? j’en suis ravie. Caroline ne m’écrit point. Oscar est-il mieux portant et plus fort ? Je vous embrasse bien tendrement, donnez-moi de vos nouvelles et croyez en vos enfans.

AUR.

Comment traitez-vous l’ami vicomte ? Faites-lui mes amitiés sincères, si toutefois vous êtes contente de lui.


A Monsieur Hippolyte Chatiron, à Paris.


Nohant, mars 1827.

Ce que tu me dis de St. me fait beaucoup de peine, Il ne veut soigner ni sa santé, ni ses affaires et n’épargne ni son corps, ni sa bourse. Qui pis est, il se fâche des bons conseils, traite ses vrais amis de docteurs et les reçoit de manière à leur fermer la bouche. Je savais tout cela bien avant que tu me le dises et j’avais été avant toi bourrée de la bonne manière. Je ne m’en suis jamais fâchée, parce que je sais que son caractère est ainsi fait et que, puisque j’ai de l’amitié pour lui, connaissant ses défauts, je ne vois pas de motif à la lui retirer maintenant qu’il suit sa pente. Cette