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esprits, les manifestations plus ou moins sensibles de l’opinion : s’il est un fait évident, c’est qu’il y a une limite que l’opinion universelle ne veut pas dépasser, c’est que la république, pour durer, doit, non pas prétendre s’imposer et faire marcher la nation comme le veulent les sectaires et les hommes de parti, mais prendre des formes, un caractère de plus en plus appropriés à l’état moral et social du pays.

La France, cela est assez clair, a accepté la république. Elle vit sous la loi républicaine sans grande préoccupation, et dans les élections qui se feront cette année, qui sont déjà l’objet de toutes les combinaisons, de tous les calculs et de toutes les conjectures, elle n’aura vraisemblablement d’autre idée, d’autre mot d’ordre que de confirmer les institutions nouvelles ; mais en même temps, à en juger par les symptômes les plus saisissables, elle ne veut certainement ni du radicalisme violent, ni des utopies prétentieuses et décevantes, ni des agitations stériles, ni des entraînemens belliqueux. Elle est arrivée à ce point où, dans le cadre des institutions qu’elle a reçues des circonstances, elle tient avant tout aux conditions d’une vie régulière, aux garanties d’une égalité libérale, à la paix intérieure et extérieure protectrice de son travail, à tout ce qui peut stimuler et hâter la réparation de ses forces morales et matérielles. en bien ! dans ces conditions, dans cette situation, ce qu’il y aurait manifestement de mieux à faire, dans l’intérêt de la république elle-même, serait de s’inspirer de ces sentimens simples, de ces dispositions visibles du pays, de respecter cette limite qu’on sent parfois dans l’instinct, dans les traditions et les mœurs de la société française, toujours plus libérale que ses gouvernemens. La meilleure politique serait d’éviter les violences de parti ou de secte, les confusions, de préférer les œuvres pratiques d’intérêt national aux œuvres vaines et bruyantes, de savoir choisir entre les réformes vraies, sérieuses, pressantes, et les réformes de fantaisie, les réformes médiocrement conçues ou prématurées, de ne pas offrir surtout le spectacle d’un parlement se livrant à des travaux consciencieux sans doute, souvent par malheur aussi décousus que consciencieux. L’agitation n’est pas précisément de la fécondité, — et quand on multiplierait les motions, les propositions, les projets qui la plupart du temps ne sortent d’une commission que pour être dénaturés, bouleversés au cours d’un débat public incohérent, à quoi cela servirait-il ? On arrive tout juste à ce qui se passe en ce moment même au sujet de cette nouvelle loi sur la presse qui, après avoir été longuement élaborée dans une commission, risque fort de disparaître sous un amas de corrections et d’amendemens improvisés. La même confusion menace de se produire au sujet des modifications que M. le ministre de la guerre a cru de voir proposer récemment dans les lois militaires, surtout dans la partie de la loi de recrutement relative aux séminaristes. C’est la conséquence d’un