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plus d’un autre pays de l’Europe n’ont-elles pas été sans influence et n’ont-elles pas peu contribué à atténuer ce qu’il y avait d’aigu, de violent dans la situation telle qu’elle apparaissait il y a quelques semaines. Ce qui est certain, c’est que le chef du cabinet d’Athènes qui a eu récemment, lui aussi, son interpellation, M. Coumoundouros, a tenu dans le parlement grec un langage plus mesuré et plus étudié ; il s’est soigneusement défendu de toute intention agressive, et il a de nouveau témoigné sa confiance dans les sentimens bienveillans de l’Europe. M. Coumoundouros, en un mot, a eu le bon esprit d’éviter tout ce qui aurait pu ajouter aux difficultés d’une question déjà bien assez grave. D’un autre côté, la dernière dépêche visiblement modérée et conciliante, par laquelle la Turquie a offert de rouvrir des négociations pour faire honneur aux conditions primitives du traité de Berlin, cette dépêche est devenue aussitôt le point de départ d’une nouvelle campagne diplomatique. L’ambassadeur d’Angleterre à Constantinople, M. Goschen, en revenant à son poste, est passé par Berlin et Vienne, où il a été évidemment chargé de chercher avec le chancelier d’Allemagne et le baron Haymerlé les élémens d’une transaction, et il est assez vraisemblable qu’en tout cela M. de Bismarck a une certaine initiative, qu’il peut mieux que personne se faire écouter à Constantinople. Bref, en d’autres termes et sous une autre forme, c’est la médiation qui recommence, qui va reprendre l’œuvre interrompue. Où la négociation se poursuivra-t-elle ? Sera-ce à Constantinople même ou dans une autre ville de l’Europe ? Y aura-t-il une conférence ou bien se contentera-t-on de négocier directement avec les deux adversaires en se réservant de les départager si c’est possible ? Quelles seront enfin les conditions essentielles et définitives de cette transaction qui va être tentée ? On est à peine au début de cette phase nouvelle. Il est cependant probable dès aujourd’hui qu’une partie de l’œuvre de la conférence de Berlin devra être sacrifiée, que la cession qui coûtait le plus aux Turcs, la cession de Metzovo et de Janina, leur sera épargnée. Dans tous les cas, dans cette hypothèse même d’une réduction du tracé de Berlin, la Grèce est appelée à recueillir d’assez précieux avantages pour ne pas résister à des propositions qui offriraient un caractère sérieux, qui seraient appuyées par l’Europe. La Grèce peut se consoler en songeant qu’après tout elle aura acquis d’assez vastes territoires, et en se souvenant, selon le mot spirituel de lord Beaconsfield, que la patience est une vertu facile pour ceux qui ont l’avenir devant eux.

Les grandes nations sont faites pour s’occuper des grands intérêts, pour déployer leur activité sous toutes les formes à la fois, et souvent, en même temps qu’elles ont à suivre les plus sérieuses affaires extérieures, elles restent aux prises avec les difficultés, les embarras d’une vie intérieure des plus laborieuses. Qu’on observe l’Angleterre. Elle est