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déprimé dans ses saillies peut être envisagé sous mille aspects et recevoir la lumière suivant les angles les plus divers. L’air y manque pour dégrader les plans ; la perspective s’y détruit à mesure que le spectateur se meut. Les formes, si elles sont en raccourci, auront la vérité d’un trompe-l’œil vues de face, tandis que, de trois quarts, elles offriront d’affreuses difformités. Le bas-relief, il faut donc le reconnaître, part de l’imitation véritable des formes, tandis que la peinture repose sur les illusions d’optique.


IV

Les arts du dessin ont toujours eu, quand ils se sont développés à l’extrême, une tendance à empiéter les uns sur les autres. Leur histoire nous montre comment des usurpations de ce genre se sont partout produites depuis la renaissance. En réalité, ils eussent dû rester chacun dans sa sphère, et ils n’ont jamais essayé d’en sortir sans en être amoindris. Il y a cent ans, les sculpteurs traitaient le bas-relief dans les conditions de la peinture, et nous avons dit quels inconvéniens s’attachent à cet oubli de la nature des choses. Au commencement de notre siècle, on a vu la peinture, emportée par la passion qu’excitait l’étude de l’antique, prétendre à se rapprocher du bas-relief. Mais on ne tarda point à reconnaître le péril qui naissait de cette autre confusion. En renonçant aux compositions qui réclamaient l’intervention de la perspective linéaire et aérienne, on mettait en question la peinture elle-même. La vie qui lui est propre et qui résulte du mouvement et de la variété des lignes, de la richesse des plans, des artifices du clair-obscur et du prestige du coloris, cette vie se trouvait mise à néant par l’abus que l’on faisait de formules empruntées à un art impuissant à donner l’idée de l’espace. Cette doctrine fut vaincue, mais il en resta longtemps des traces dans l’enseignement et dans les productions des artistes. On se souvient encore de ces tableaux arides, de ces figures cernées d’un trait noir, qui semblaient affirmer par là qu’elles étaient l’œuvre d’un dessinateur, de ces couleurs réparties sans aucun sentiment de la valeur de tons et de leur équilibre. On visait au grand style à l’aide de quelques recettes et cependant on n’arrivait qu’à constituer une imagerie stérile.

Mais, on peut s’en convaincre aujourd’hui : la peinture est rentrée dans son domaine. M. Baudry a exécuté pour la grande salle des audiences de la cour de cassation un plafond qui représente la glorification de la Lui : belle œuvre qui, dès le premier jour, a été reconnue et saluée comme le morceau capital du Salon. Son mérite nous paraît d’autant plus grand qu’il risquait davantage d’être