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grand nombre d’Arabes mahométans se sont rapprochés de leurs compatriotes chrétiens et se sont mis à rêver une sorte de ligue nationale qui réunirait toutes les forces syriennes, sans distinction de religion, contre la tyrannie incapable et menteuse de la Turquie. Mais pour rester à Jérusalem et dans le Haram-esch-Chérif, je me contenterai de répéter ici qu’une tolérance absolue attend les visiteurs qui pénètrent sur la mosquée d’Omar. Les moines eux-mêmes peuvent s’y rendre. A la vérité, les moines sont très populaires à Jérusalem à cause de la charité qu’ils y pratiquent. J’ai vu souvent dans les rues des musulmans s’arrêter pour baiser la robe d’un franciscain avec un respect qui ne venait pas d’un sentiment de crainte ou de curiosité, mais d’un sentiment de reconnaissance et d’admiration.

On arrive dans le Haram par la partie occidentale dite Bab-el-Moghreby, la porte des Maugrabins, et, dès qu’on a franchi cette porte, on se trouve sur une grande esplanade de 500 mètres de longueur moyenne sur 300 mètres de largeur, dont l’aspect est à la fois des plus pittoresques et des plus imposans. Ce vaste quadrilatère est entouré de murailles antiques et de constructions arabes aux formes les plus diverses et les plus élégantes ; des balcons à demi effondrés, des coupoles, des terrasses, des maisons étagées sur le flanc de la montagne bornent la vue du côté de la ville. Le terrain sur lequel on marche est jonché de débris, rempli de crevasses, recouvert d’une herbe rare, ombragé çà et là d’oliviers rabougris, sous lesquels on aperçoit quelques Arabes négligemment assis ou couchés. Au milieu de l’esplanade, une seconde plate-forme entièrement dallée en marbre s’élève de 2 mètres environ et même, en quelques endroits, de 5 mètres au-dessus du niveau de la première enceinte. On y monte par de larges escaliers, au sommet desquels se dressent d’élégantes arcades supportées par des colonnes d’une légèreté charmante ; une foule d’édicules carrés, de forme circulaire ou octogone, construits avec des débris antiques, des fontaines, des mimbers, des chapelles de toutes sortes, répandues à profusion dans le Haram, y produisent l’effet le plus agréable. Mais ce qui frappe surtout le regard, c’est la mosquée d’Omar, se détachant de la seconde plate-forme comme d’une sorte de gigantesque piédestal. Elle a été, comme le saint sépulcre, trop souvent décrite pour que je la décrive de nouveau. Rien d’ailleurs ne saurait donner une idée du mélange de grâce et de grandeur qui en fait un monument exquis. Sa forme est celle d’un octogone régulier. A une certaine distance, on ne distingue pas ses vastes dimensions ; elles sont calculées avec tant de bonheur qu’on dirait un édifice petit, délicat, remarquable surtout par la justesse