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VII. — LES JUIFS.

Ce serait, si on avait le temps et le courage de l’écrire, une triste et héroïque histoire que celle des Juifs à Jérusalem, depuis la destruction du temple et la dispersion du royaume d’Israël. La passion, réellement étrange, de cette race singulière pour un pays affreux où, depuis des siècles, elle n’a éprouvé que des persécutions, le rêve chimérique qu’elle y poursuit encore après tant de déceptions dont la cruauté aurait dû briser toutes ses espérances, l’obstination avec laquelle elle s’attache à quelques pierres qui lui rappellent de glorieux souvenirs et qui entretiennent en elle de folles espérances, sont assurément des phénomènes moraux qui seraient dignes d’être étudiés avec soin et décrits avec intérêt. La population juive de Jérusalem est peut-être un des plus déplorables spécimens de l’espèce humaine ; elle végète dans un état abject d’ignorance et de misère ; sa laideur, sa dépravation, inspirent un dégoût profond ; ce n’est pas sans horreur qu’on parcourt le quartier sordide où elle vit dans la boue, les immondices, les vices et la pauvreté. Néanmoins, il est difficile de se défendre, je ne dirai pas seulement d’un sentiment de pitié, mais d’un sentiment d’admiration, lorsqu’on assiste, le vendredi, à la cérémonie des pleurs le long du mur du temple. J’ai vu des voyageurs auxquels toutes les pompes de la Jérusalem chrétienne n’avaient inspiré qu’une vive répulsion, involontairement émus par le spectacle des lamentations juives. Il serait, en effet, difficile de contempler une scène plus touchante. On sait que les Juifs achetaient autrefois le droit de venir gémir sur les ruines du temple et qu’ils s’exposaient à toutes les insultes pour user d’un droit aussi précieux. Depuis la construction de la mosquée d’Omar, ils sont chassés du Haram-esch-Chérif, où ils ce pourraient pénétrer qu’en s’exposant au péril qui les attendrait également au saint sépulcre, c’est-à-dire à être massacrés. L’emplacement où s’élevait le tabernacle leur est interdit ; aucun d’eux ne saurait en franchir les limites, aucun ne pourrait sans danger de mort y jeter un regard attendri ! Condamnés à ne jamais dépasser le mur d’enceinte du mont Moriah, c’est encore à prix d’argent qu’ils obtiennent l’autorisation de s’arrêter auprès d’une partie de ce mur qui remonte peut-être à Salomon. Proscrits de tous les lieux que leurs ancêtres avaient rendus célèbres et d’où sont parties les croyances qui alimentent l’humanité civilisée, ils sont comme des étrangers dans un pays dont ils n’auraient jamais