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distinguée, les expressions de la haute estime avec laquelle je suis, de Votre Excellence, le dévoué serviteur.

« ALEJANDRO FIERRO.

« A Son Excellence don José Antonio Lavalle, envoyé extraordinaire du Pérou. »


La guerre avec le Pérou était déclarée et, sur le terrain diplomatique, le Chili maintenait les avantages acquis sur le terrain militaire. Il n’y avait rien à reprendre à la note ferme et modérée qui terminait une négociation dès le début condamnée à ne pas aboutir. L’opinion publique approuva hautement les résolutions du gouvernement, expliquées dans un mémorandum publié le 5 avril dans le journal officiel de Santiago et qui se terminait par ces mots :

« Le Chili est à la hauteur de la grande œuvre qui s’impose à lui. Le gouvernement se sent fort en présence de l’attitude énergique et résolue du pays. Dans de telles conditions, nous avons l’assurance du succès. »

« Cette nation honnête, pacifique et laborieuse, qui n’a de longtemps employé le fer que pour les travaux des champs et pour le transport de ses produits, met ses destinées sous la protection de Dieu. Elle en confie la défense à la valeur, à l’énergie et à l’infatigable constance de ses enfans. »

Des événemens modifiaient la situation. Le terrain de la lutte se déplaçait ; le Pérou devenait le principal adversaire, celui contre lequel il importait de se mettre en garde et de diriger les premiers coups. La campagne contre la Bolivie demandait du temps. Séparés l’un de l’autre par de vastes déserts, le Chili ne pouvait pas plus diriger ses troupes sur La Paz que la Bolivie ne pouvait envahir son territoire avant d’avoir réuni un matériel considérable, assuré la subsistance des troupes et le transport de l’artillerie. L’occupation du littoral bolivien était chose facile pour le Chili, maître de la mer, mais elle n’empêchait en rien la jonction des armées du Pérou et de la Bolivie, puis l’escadre péruvienne allait entrer en ligne, Tant que le Chili n’avait eu devant lui que la Bolivie, la lutte était forcément circonscrite. La Bolivie ne possédant pas de marine militaire, le Chili n’avait rien à craindre pour l’immense étendue de ses côtes. Il n’en était plus ainsi : on tenait la flotte péruvienne pour redoutable ; on la savait prête à prendre la mer. Le blocus des porte boliviens devenait dangereux, les navires qui en étaient chargés pouvaient être assainis à l’improviste par des forces ennemies supérieures, détruits en détail. Une rencontre navale entre les deux escadres dans laquelle le Chili aurait le dessous pouvait lui porter un coup mortel, exposer ses ports un bombardement, Valparaiso a la ruine de son commerce, le pays enfin à une invasion par terre soutenue par une flotte