Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 46.djvu/381

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Matias-Cousino, vapeur chilien qui approvisionnait de charbon l’escadre de blocus, il se porta à sa rencontre, le surprit à peu de distance du port et lui intima l’ordre de se rendre. Hors d’état de lutter contre le Huascar, ce bâtiment amenait son pavillon, lorsque la canonnière chilienne Magallanes, commandée par don José La Torre, vint auclacieusement disputer sa proie au monitor péruvien. Surpris de tant d’audace, l’amiral Grau, trompé par la distance et la nuit, se crut attaqué par la frégate cuirassée Cochrane, bien supérieure en force à son navire. Il se préparait à éviter le combat quand il reconnut son erreur.

Revenant à toute vapeur, le Huascar se porta sur la canonnière pour la couper en deux, mais le commandant La Torre éluda le choc et riposta par un feu nourri. Le Huascar ouvrit le sien, gagnant de vitesse sur son adversaire, dont la perte semblait assurée quand apparut à l’horizon le cuirassé Cochrane attiré par le bruit de l’artillerie. Le Huascar dut abandonner la poursuite et s’abriter sous le feu des batteries d’Arica.

Il y retrouva la corvette péruvienne l’Union, bâtiment de haute marche et d’évolution rapide. L’amiral Grau la prit sous ses ordres, l’estimant propre à la guerre de surprises qu’il entreprenait, et se dirigea avec ses deux bâtimens sur Antofagasta. En route il captura deux transports chiliens, qu’il achemina sur Callao. Longeant ensuite la côte, il détruisit les pontons chiliens à Chanasal, Huasco, Carrizal, et, virant de bord, remonta vers le nord. En vue d’Antofagasta, le Huascar rencontra un grand transport chilien, le Rimac, chargé de vivres, de munitions, portant deux cent cinquante-huit hommes de cavalerie et des chevaux. Le Rimac fut pris et convoyé à Arica. À bord se trouvait la correspondance officielle du gouvernement chilien. Par elle on apprit qu’il attendait deux chargemens d’armes qui venaient d’Europe, destinés à l’équipement de l’armée d’Antofagasta.

Convaincu d’après la teneur de ces dépêches que l’armée chilienne cantonnée à Antofagasta était hors d’état de prendre l’offensive jusqu’à l’arrivée de ces convois, l’amiral Grau intima l’ordre au commandant de l’Union de se porter à leur rencontre et de s’en emparer. Suivant toutes probabilités, il devait les rejoindre dans le détroit de Magellan. Si ce coup de main réussissait, on prévenait pour longtemps une marche en avant des troupes chiliennes. Le commandant Garcia fit immédiatement route vers le sud. Assailli par les gros temps, il réussit enfin, non sans peine, à pénétrer dans le détroit de Magellan, mais il y entrait au moment même où le premier vapeur venait d’en sortir et, gagnant le large, faisait voile pour Valparaiso. Peu après l’Union arrivait en vue de Punta-Arenas, station chilienne dans le détroit de Magellan. Le commandant