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qui en était absolument dépourvue. Les conditions de salubrité enfin, même dans la partie méridionale où se trouvent les marais salant sont bien supérieures à celles que présentent tous les rivages de la région du bas du Rhône et de la plus grande partie du golfe de Lyon.

La situation générale est donc à tous les points de vue des plus favorables ; et M. Sibour raconte qu’un officier de la marine anglaise, qui venait d’explorer avec son yacht cette petite mer intérieure, s’étonnait de n’y voir partout que le désert et l’abandon. « Si cela nous appartenait, disait-il au retour de son excursion, il y aurait bientôt là 3 millions d’habitans. » Sans doute nous ne sommes pas à la veille de voir le littoral de l’étang de Berre entouré d’un collier de villes industrielles et populeuses, et l’on ne procède pas en France comme en Amérique, où les villes s’improvisent par enchantement, au bout de quelques années, par le seul fait de l’ouverture d’un canal ou d’un chemin de fer ; mais il est incontestable que lorsque l’étang de Berre, si bien défendu par la nature de toutes les attaques du dehors, sera mis en communication d’une part avec le golfe de Fos, par le recreusement de l’étang de Caronte, d’autre part avec le Rhône et Marseille par le canal dont on poursuit en, ce moment l’étude, il se prêtera d’une manière merveilleuse à toutes les installations industrielles et à toutes les opérations de transbordement. Tout navire entrant dans l’étang serait sûr de pouvoir décharger à l’instant sa cargaison, évitant ainsi ces longs jours d’attente et de stationnement bord à quai si préjudiciables aux affaires, si onéreux surtout dans nos ports modernes.

L’étang de Berre ne serait donc pas seulement le garage naturel en temps de guerre de tout notre matériel naval de la Méditerranée, il deviendrait très certainement une sorte d’annexe de Marseille, dont les principales maisons de commerce ne manqueraient pas de reconnaître l’utilité et où elles s’empresseraient d’établir des comptoirs succursales en relations directes et rapides avec la métropole. En peu de temps, avec une dépense relativement assez faible, on pourrait mettre en plein rapport ce magnifique bassin intérieur, dont la non-utilisation a été si justement appelée un scandale économique. Cette mer morte aujourd’hui deviendrait le faubourg maritime le plus animé de la grande ville phocéenne, la première étape de son commerce entre le Rhône et la Méditerranée.


IV

La navigation du Rhône et le libre, accès du fleuve à la mer sont loin d’être des questions d’intérêt purement local ou même