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le port exclusif de tous les arrivages de la vallée du Danube et de la Mer-Noire ? Il y a quelques années, de grandes usines situées autour de Paris avaient fabriqué tout un matériel d’exploitation, rails, machines, wagons destinés à un railway russe, situé près de Poti, sur les confins de l’Asie-Mineure. Lorsqu’il fallut expédier cette immense fourniture, on recula devant les tarifs élevés du chemin de fer, et on trouva beaucoup plus simple et plus économique de la diriger par les canaux du nord de la Belgique sur le port d’Anvers, où elle fut embarquée, descendit la Manche, l’Océan, traversa le détroit de Gibraltar, toute la Méditerranée, et la Mer-Noire.

Ces exemples sont concluans. Ils démontrent la nécessité absolue de relier par eau nos ports de la Méditerranée avec notre réseau de rivières navigables. Il y aurait même à la fois injustice et mauvais calcul à adopter une solution unique, qui aurait pour conséquence de favoriser de parti-pris tel point plutôt que tel autre de la région du Bas-Rhône.

Cette, tout autant que Marseille, a droit à être mis en communication avec l’intérieur du pays. Il a même sur Marseille l’avantage d’être déjà relié au Rhône par les canaux de Beaucaire et des Étangs, qu’il suffirait d’améliorer au moyen de travaux relativement peu dispendieux, tandis que la grande ville phocéenne, excentrique par rapport au fleuve, en est séparée par une chaîne de montagnes. On ne doit pas oublier d’ailleurs que l’une des branches du fleuve, la branche espagnole, traversait autrefois tout le département du Gard, remplissait les lagunes où devaient s’élever plus tard les remparts d’Aigues-Mortes et venait alimenter l’étang de Mauguio et l’étang de Thau, derrière le Mont Sigius, qui est la montagne de Cette moderne. La jonction du port de Cette avec le Rhône est donc la solution la meilleure en même temps que la plus économique ; et le tracé en est commandé par la nature même des lieux. Le Rhône n’est pas, en effet, un fleuve exclusivement marseillais, comme on l’a dit quelquefois sur les trottoirs de la Cannebière. Le Rhône et Marseille lui-même appartiennent avant tout à la France et ne sont qu’un élément de son organisme ; et la navigation sur le grand fleuve doit être alimentée par tous les produits qui viendront débarquer non pas seulement sur un point unique de notre littoral, mais dans tous les ports de la Méditerranée situés dans la région des embouchures.

Ce n’est pas Marseille d’ailleurs qui peut être le port d’exportation des charbons du Gard et de la Loire et de réception des minerais d’Espagne, de l’île d’Elbe et d’Afrique, dont la consommation augmente tous les jours dans les usines métallurgiques du sud-est de la France. Marseille est trop riche pour être un port