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contenu jusqu’ici dans les tribus qui dépendent de ces provinces. Il n’en est pas de même du sud de la province d’Oran, où l’insurrection est devenue rapidement une sorte de guerre sainte nouvelle à laquelle il faut, maintenant faire face. Là, dans cette région des hauts plateaux qui s’étend au-delà du Tell sur une profondeur de 200 kilomètres vers le désert, où errent des tribus mal soumises et où nous n’avons qu’un poste avancé, celui de Geryville, le mouvement est en réalité des plus sérieux. Il s’est trouvé non pas un autre Abd-el-Kader, mais un autre Bou-Aaza, un marabout du nom de Bou-Amema, qui a su réunir des séides enflammés de son esprit et des contingens assez nombreux. On l’appellera, si l’on veut, un bandit, un maraudeur, un aventurier, peu importe. Bou-Amema est évidemment un de ces chefs qui se rencontrent de temps à autre en Afrique, qui ont assez d’ascendant pour rallier des soldats, assez d’audace pour ne pas craindre de se mesurer avec notre domination, et il n’a pas précisément prouvé jusqu’ici qu’il fût un ennemi à mépriser. Vainement on a envoyé des colonnes qu’on a plus d’une fois représentées dans les dépêches officielles comme prêtes à le saisir, tout au moins à le rejeter au loin dans le désert ; il s’est toujours échappé, il a passé à travers les mailles du réseau dans lequel ou se proposait de l’envelopper. Il a pu arriver jusqu’aux approches de Saïda, poste central dans la région des plateaux, saccager les exploitations d’alfa, terrifier la population espagnole employée à cette industrie, faire des prisonniers, emmener des otages avec son butin. Il a eu, chemin faisant, avec nos troupes des rencontres qui nous ont coûté bon nombre d’hommes et qu’il a pu considérer comme des succès.

Bref, Bou-Amema a défié jusqu’ici une répression demeurée malheureusement impuissante, et un des résultats les plus sensibles de l’apparition de cet audacieux ennemi a été de désorganiser pour le moment une grande industrie, celle de l’alfa, de jeter l’alarme parmi les émigrans espagnols qui forment la portion la plus nombreuse de la population de la province d’Oran. Des milliers de ces émigrans sont rentrés en Espagne, emportant le souvenir des violences sanglantes et des déprédations dont ils viennent d’être victimes. Tout est à recommencer aujourd’hui pour ramener la sécurité dans cette contrée ou l’autorité française reste en face d’un ennemi redoutable. C’est là pour le moment le fait palpable et saisissant. Il y a des combats à livrer au sud de la province d’Oran comme il y a aussi un effort à faire à l’autre, extrémité de la régence de Tunis, devant cette ville de Sfax, qu’on ne pourra peut-être emporter que par un assaut.

Que des fautes militaires aient été commises sur cet échiquier des hauts plateaux oranais dont on parlait l’autre jour, que les opérations engagées dès le début contre l’insurrection nouvelle aient été conduites avec une certaine inexpérience, c’est possible. Il est trop clair que, pour une raison ou pour l’autre, tous ces chefs lancés à la poursuite