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l’action prolongée des intempéries ; il vient toujours un moment où ses élémens se désagrègent. De la plus ample et la plus riche demeure il ne, subsiste alors que quelques tas de décombres tellement informes que le plus habile n’en saurait rien tirer.

Pour qu’il reste quelque chose de la maison, il faut des circonstances tout à fait exceptionnelles ; il faut que, comme à Pompéi, elle soit enveloppée dans une poudre légère et molle qui en remplisse tous les creux. Parfois pourtant, même après avoir disparu, la maison laisse des traces qu’il est intéressant de relever. C’est ce qui arrive quand l’aire des pièces qui en composaient le rez-de-chaussée a été taillée dans la roche vive ; il en est ainsi sur plusieurs des collines jadis comprises dans l’enceinte de l’ancienne Athènes. Ni l’une ni l’autre de ces conditions favorables ne se rencontre dans la vallée du Nil.

Sans doute, aussi bien et mieux peut-être que la cendre du Vésuve, le sable de l’Afrique nous aurait gardé les habitations égyptiennes, si, par suite de quelque grand bouleversement du sol, il était venu s’amonceler sur les ruines de Memphis ou de Thèbes : on sait de quel linceul protecteur il a recouvert les tombes voisines des pyramides ; mais, à la différence des demeures de la mort, les maisons des vivans étaient construites à peu de distance du fleuve et non sur le bord du désert. Ni les villes ni les villages n’étaient allés s’établir sur ces plateaux où le vent amoncelle la poussière et où par places affleure la pierre calcaire. On ne peut donc guère espérer trouver en Égypte ni villes mortes ensevelies sous le sable, ni même ces empreintes fidèles de la maison détruite que garde parfois le roc dans les pays de montagnes.

Situées sur la rive ou non loin d’elle, les villes avaient besoin d’être mises, par un exhaussement artificiel du sol, au-dessus du niveau des crues annuelles ; c’est ainsi qu’encore aujourd’hui, en Égypte, tous les villages qui ne sont pas assis sur les racines de la montagne surmontent des tertres artificiels.

On avait conservé le souvenir des grands travaux qui avaient été entrepris, dans les siècles de prospérité, pour préparer aux villes cette espèce de soubassement qui leur était nécessaire ; d’après Hérodote et Diodore, Sésostris et Sabacon, c’est-à-dire les grands princes thébains et les conquérans éthiopiens, se seraient occupés de relever les lieux habités[1]. Par les fouilles exécutées sur le site de plusieurs cités antiques, on a pu se rendre compte de la manière dont étaient conduits d’ordinaire ces travaux. Sur l’emplacement du

  1. Hérodote, II, 137 ; Diodore, I, 57.