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briques, devaient être assez épaisses ; on obtenait, grâce à elles, une température plus constante et moins élevée, qui était favorable à la conservation des denrées. On voit, souvent, dans les bas-reliefs, ces greniers se suivre par longues files ; leur nombre est sans doute destiné à donner une idée de la richesse du propriétaire. Certains de ces greniers semblent n’avoir d’ouverture que vers le milieu de leur hauteur ; c’était par une rampe extérieure que l’on atteignait la baie large et basse par laquelle on y déchargeait le grain.

Les Égyptiens avaient des maisons de campagne aussi bien que des maisons de ville ; mais les procédés de construction et les dispositions étaient les mêmes. La maison du paysan ne pouvait différer beaucoup de celle de l’artisan et du manœuvre des quartiers pauvres de la cité ; quant à la villa du riche, si elle se distinguait de celle qu’il avait dans les beaux quartiers de Thèbes ou de Memphis, c’était seulement par la plus grande abondance des eaux, par des ombrages plus épais et des parcs plus spacieux. L’Égypte, les peintures nous le prouvent, avait poussé très loin le luxe des jardins ; on allait jusqu’à mettre en pot les arbres précieux, comme nous le faisons pour les orangers[1].

Ces arbres étaient parfois d’origine exotique. La grande régente Hatasou, de la XVIIIe dynastie, a fait représenter, sur les murs du temple qu’elle a construit à Thèbes et que l’on appelle Deir-el-Bahari, le transport des trente-deux arbrisseaux à parfum que sa flotte lui rapportait, avec d’autre -butin, du pays de Pount, c’est-à-dire de l’Arabie méridionale ou de la côte des Somalis. C’est donc à cette reine que, vers le XVIIe siècle avant notre ère, on doit le premier essai connu d’acclimatation. Combien de choses que les modernes croient avoir inventées et qu’ils n’ont fait que retrouver et renouveler ! M. Maspero ne prouvait-il pas tout récemment, que l’Égypte avait connu jusqu’à l’un de ces maux dont s’effraient parfois nos grandes sociétés industrielles et dont elles croient être les premières à souffrir, qu’elle avait connu les grèves d’ouvriers ?


GEORGE PERROT.

  1. C’est dans de grands vases en terre cuite que devait être engagé le pied ’ es arbres pour lesquels on prenait cette précaution ; partout, dans le Midi, on emploie à cet usage l’argile au lieu du bois.