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de la sainte famille et dont il arrêta le cours lorsque celle-ci partit pour l’Égypte ?

Il ne suffit pas de croire aux miracles de l’évangile, les légendes de la tradition s’imposent également à la foi des pèlerins. La grotte de la Nativité n’est pas la seule qui s’étende sous la basilique de Bethléem ; une série de couloirs taillés dans le roc conduisent à différentes stations où s’élèvent de petites chapelles décorées de tableaux plus ou moins détestables : l’une représente l’emplacement où saint Joseph reçut d’un ange l’ordre de fuir en Égypte ; une autre est le tombeau des malheureux innocens massacrés par Hérode ; d’autres marquent les lieux où ont été enterrés saint Eusèbe, sainte Paule, sainte Eustochie, saint Jérôme et les pieux solitaires qui, les premiers, ont fait des grottes de Bethléem une sorte d’asile pour l’étude, la contemplation et la prière. À quelques minutes de marche, en sortant de Bethléem, on trouve encore Une grotte nommée la grotte du lait, parce que Marie, en y allaitant son divin fils, y laissa tomber quelques gouttes de son sein virginal et maternel. Depuis lors, la pierre de cette grotte donne du lait aux mères et aux nourrices qui en sont dépourvues. Aussi voit-on un grand nombre de femmes, catholiques, orthodoxes, turques et même bédouines, accourir à la grotte du lait, détacher quelques fragmens de la pierre crayeuse qui la compose, les faire dissoudre dans de l’eau ou toute autre boisson et attendre avec confiance l’effet miraculeux de cette opération. Il faudrait, pour décrire tous les lieux saints des environs de Jérusalem, s’arrêter encore aux ruines de la maison de saint Joseph, à la maison des pasteurs, à la citerne de Marié, à la citerne de David, au champ de Booz, etc. Je préfère aller tout droit à la grotte des pasteurs, espèce de chapelle souterraine bâtie au lieu même où les anges apprirent aux bergers la naissance du Messie. Cette chapelle est encore la plus sale de toutes celles que j’ai vues en Palestine, ce qui est beaucoup dire ! Quand je l’ai visitée, elle était remplie de Russes qui chantaient en chœur des hymnes de leur pays, spectacle fort désagréable pour les yeux et pour l’odorat, mais tout à fait séduisant pour les oreilles. Il est impossible de ne pas être ému par les accens profondément mélancoliques de la musique religieuse russe, surtout lorsqu’ils s’élèvent au milieu d’une campagne aride, dans une grotte remplie de souvenirs, parmi dès ruines et des décombres qui rappellent les plus nobles espérances de l’humanité. Malheureusement d’affreux popes mendians vous arrachent bien vite à cette impression en venant vous réclamer quelque menue monnaie pour prix de leurs prières. Au sortir de la grotte des pasteurs, on rencontre sans cesse des groupes plus ou moins nombreux de pèlerins russes, marchant avec peine sur les pierres,