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lourde peut-être, mais d’une grande richesse d’ornementation. M. Renan a jugé l’architecture juive avec une telle justesse, qu’on ne peut que répéter ce qu’il a si bien exprimé. « Jusqu’aux Ausmonéens, dit-il, les Juifs étaient restés étrangers à tous les arts ; Jean Hyrcan avait commencé à embellir Jérusalem, et Hérode le Grand en avait fait une des plus superbes villes de l’Orient. Les constructions hérodiennes le disputent aux plus achevées de l’antiquité par leur caractère grandiose, la perfection de l’exécution, la beauté des matériaux. Une foule de superbes tombeaux d’un goût original s’élevaient vers le même temps aux environs de Jérusalem. Le style de ces monumens était le style grec, mais approprié aux usages des Juifs et considérablement modifié selon leurs principes, Les ornemens de sculpture vivans, que les Hérodes se permettaient, au grand mécontentement des rigoristes, en étaient bannis et étaient remplacés par une décoration végétale. Le goût des anciens habitans de la Phénicie et de la Palestine pour les monumens monolithes taillés sur la roche vive semblait revivre en ces singuliers tombeaux découpés dans le rocher et où les ordres grecs sont bizarrement appliqués à une architecture de troglodytes. »

Bien de plus exact que cette dernière phrase de M. Renan ; elle donne une idée très précise de ce mélange de souvenirs grecs, — j’ajouterais égyptiens, — et de traditions troglodytes qui constitue l’originalité des tombeaux de Jérusalem. Il ne faut pas s’étonner d’ailleurs du goût des anciens habitans de la Phénicie et de la Palestine pour les monumens monolithes taillés sur la roche vive ; c’est la nature même du pays qui le leur avait inspiré. On s’explique fort bien qu’il se soit développé dans une contrée où tout est rocher, où les pierres abondent avec une profusion extraordinaire, où, à l’origine, les grottes étaient certainement la seule habitation. L’art juif a subi l’influence du milieu dans lequel il s’est produit. Il n’a reculé devant aucune masse : les énormes monolithes qu’il a entassés et qui ont donné à ses constructions l’apparence de véritables montagnes, ainsi que la hardiesse avec laquelle il a creusé la roche, provenaient d’une imitation instinctive de la réalité. Plus tard les ornemens étrangers sont venus courir sur cette architecture énorme sans lui imprimer plus de légèreté. Qui sait si les mœurs mêmes des Juifs n’ont pas subi le contre-coup du pays qu’ils habitaient ? On s’explique sans peine, en parcourant la Palestine, que la lapidation ait été le principal supplice en usage chez eux. Le premier mouvement d’un peuple vivant au milieu d’un océan de pierres devait être, lorsqu’un criminel ou un ennemi se présentait, de se baisser pour l’accabler sous des projectiles qui s’offraient par milliards à des mains vengeresses. Jamais armes naturelles n’ont été plus