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il n’y a homme au monde qui connaisse mieux son tempérament que moi. Si vous voulez, vous et moi nous mènerons secrètement cette affaire. Votre roi est jeune, dispos, accoutumé aux voyages ; il peut venir de Boulogne voir cette belle dame. »

La Forest, en faisant part à Catherine de cette conversation, suivie d’autres démonstrations qui lui semblaient plus significatives, l’invita à donner des instructions précises à Castelnau de Mauvissière, qu’elle se disposait à renvoyer en Écosse afin que, lors de son passage à Londres, il fût bien fixé sur ce qu’il aurait à répondre dans le cas où une ouverture plus sérieuse lui serait faite : mais Catherine ne s’y trompa pas, elle ne prit ces nouvelles avancés que pour ce qu’elles valaient : « Le roi mon fils, lui écrivit-elle, vous faisant une ample réponse sur le contenu de votre dernière lettre, il ne me reste qu’une chose à vous dire sur l’affaire que vous savez, qui est que, si l’on veut en quelque propos que vous vous y gouverniez de tout en tout suivant ce que je vous en ai déjà écrit et la résolution que suivant cela en avez prise, qui est le mieux qu’il se peut faire en un tel commencement et de quelque part que ces propos vous ont été ouverts ou à votre neveu, ne craignez pas de nous en avertir particulièrement, non pour vous dire à la vérité que je m’en veuille rien promettre, mais je serai bien aise d’entendre clairement la façon et l’artifice dont ils procéderont. » La Forest, avant même d’avoir reçu cette lettre, était déjà revenu sur sa première impression, car le médecin d’Elisabeth, son rôle une fois joué, n’avait plus reparu. « Cecil et Leicester, répondit-il à Catherine, quand ils parlent du mariage de la reine, s’en moquent ; depuis huit ou dix ans, elle leur a fait assez connaître comment elle veut vivre et passer le reste de ses jours. La dite dame pense qu’il lui -est expédient d’avoir toujours quelqu’un sur les rangs ; elle s’aime tant et se connaît si grande qu’elle se persuade qu’elle est recherchée de tous les princes chrétiens qui sont à marier, et que le moindre mot mis en avant est un leurre pour les faire incontinent venir. Quiconque connaîtra bien le vent de ce royaume, la disposition et affection dés sujets, l’inclination de la reine et sa façon de vivre, verra bien vite que de tels marchés ne sont favorables, mais qu’on s’en veut aider pour profit et avantages. »

C’est à la fin de septembre que La Forest adressait cette lettre à Catherine ; à cette date, Elisabeth était rentrée à Londres pour assister à la première séance du parlement fixée au 30 du mois. La question de son mariage et de la succession à la couronne devaient y être débattues, elle n’en était pas à l’ignorer ; et ce qui lui semblait plus grave, c’est que sur la question de sa succession, la majorité des lords était acquise à Marie Stuart et la majorité des communes à Catherine Grey, mariée au comte d’Herfort. Le parlement s’ouvrit