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à l’Oraison funèbre d’Henriette de France. A la vérité, dans un mot de préface, il voulait bien convenir que son document « n’était point absolument inconnu du public, » et même il signalait les mentions ou citations que tel ou tel en avaient faites. Il n’ignorait qu’un point, c’est que le Mémoire était intégralement publié depuis huit ans au tome II des Orateurs sacrés à la cour de Louis XIV, par M. l’abbé Hurel. Voilà ce que c’est que de connaître trop bien les manuscrits !

Revenons à M. Guerrier. M. Guerrier n’aime pas Bossuet. C’est son droit. Beaucoup de gens comme lui penchent pour Fénelon contre Bossuet. Là-dessus je prévois ce qu’il me répondra : que ce n’est point ne pas aimer Bossuet que de vouloir lui faire stricte justice, et que, après l’avoir malmené d’un bout à l’autre de son livre, il en fait, au surplus, à la page 486, un magnifique éloge. C’est comme l’auteur des Recherches historiques sur l’assemblée du clergé de France de 1682, un livre que nous n’aimons guère, mais, il faut en convenir, très consciencieux, très savant, et surtout très habilement fait. L’auteur, M. Charles Gérin, s’efforçait donc de prouver qu’en toute circonstance, Bossuet aurait joué le rôle d’un très souple et très adroit courtisan, indulgent aux grands, dur aux petits ; il ramassait pour appuyer sa thèse jusqu’à des notes que l’on peut considérer comme des notes de police ; il faisait une longue énumération, bien complète et bien détaillée, des bienfaits ou faveurs dont la cour de Rome aurait comblé Bossuet[1], à laquelle il opposait, naturellement, les témoignages de l’ingratitude odieuse dont Bossuet avait payé le saint-siège, et sa conclusion était « que Bossuet n’en demeure pas moins au-dessus de toute louange et de toute vénération. » Il faudrait avoir pourtant jusqu’au bout le courage de son opinion. Si M. Charles Gérin a correctement interprété les faits qu’il apporte, il n’est pas vrai que Bossuet demeure au-dessus de tout éloge et de toute vénération. Et si Bossuet a mérité, dans l’affaire de Mme Guyon, toutes les duretés dont M. Guerrier lui est prodigue, il n’a pas droit aux grands mots d’éloge emphatique dont M. Guerrier l’accable à la page 486.

Que dira-t-on maintenant si nous montrons, à dus signes irrécusables, la partialité singulière contre Bossuet dont le livre de M. Guerrier porte les traces à chaque page ? Par exemple, où M. Guerrier prend-il le droit d’écrire « qu’autrefois » Bossuet, avant d’entrer dans l’examen de la doctrine de Mme Guyon, « avait lu le Moyen court sans en

  1. À ce propos, je dois dire que, parmi tant de manières diverses d’apprécier les mêmes faits, et sinon toutes légitimes, au moins toutes soutenables, il en est cependant que l’on a peine à comprendre. C’est ainsi que dans cette énumération M. Gérin, entre autres faveurs dont la cour de Rome aurait comblé Bossuet, n’hésite pas à compter l’approbation donnée par le pape à l’Exposition de la doctrine catholique. Remercier les gens de vous avoir rendu service, cela s’appelle en bon français être poli, reconnaissant, si l’on veut ; n’admettons pas que cela s’appelle leur faire une faveur.