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le chancelier n’en a pas moins gardé sa pensée, sauf à en poursuivre la réalisation par d’autres moyens, au besoin par sa propre autorité, et pour le succès de ses efforts, il a rencontré au Vatican un pape à l’esprit éclairé et fin, disposé à se prêter aux transactions nécessitées par les circonstances. C’est par un ancien secrétaire de l’ambassade allemande auprès du saint-siège, M. Schlœsser, que le rapprochement paraît avoir été préparé, et d’une négociation qui a duré quelques mois, qui a été plus d’une fois interrompue, puis reprise, il est résulté ce qu’on pourrait appeler des préliminaires de paix. Le premier acte ostensible de la pacification a été la nomination du docteur Korum, chanoine de Strasbourg, à l’évêché de Trêves. Le docteur Korum à ce qu’il semble, n’a point accepté sans avoir beaucoup hésité ni surtout sans avoir obtenu l’aveu du Vatican. Il a fini par se décider, il s’est rendu à Varzin auprès du chancelier, il a été présenté par l’empereur, et la nomination officielle de l’évêque de Trêves, signée par le souverain, est désormais un fait accompli Maintenant c’est l’archevêché de Cologne qui va être pourvu et l’ecclésiastique destiné à occuper ce Siège est déjà désigné. D’autres évêques, dit-on, seraient nommés successivement dans les divers diocèses. L’épiscopat ainsi constitué s’occuperait de réorganiser dans les mêmes conditions le service du culte catholique à tous les degrés de la hiérarchie. Quelles sont en réalité les conditions de cet accord nouveau entre l’état et l’église en Allemagne, entre l’empire et le Vatican ? Ici règne encore un certain mystère, il est bien clair qu’on ne pouvait pas demander au souverain pontife et au clergé catholique allemand de reconnaître explicitement des lois contre lesquelles ils ont toujours protesté, qu’ils n’ont cessé de considérer comme une atteinte à l’indépendance religieuse, et, de son côté, l’Allemagne ne pouvait pas rétracter absolument ce qu’elle a fait, ce qu’aucun parlement n’a encore défait. Il est vraisemblable qu’on s’est tiré d’affaire en évitant de rien préciser, que les ecclésiastiques entrés en dignité ont dû se borner, avec l’assentiment du souverain, à une déclaration platonique et générale de respect pour les lois de l’état. Pour la nomination des évêques, l’expédient de transaction consiste à peu près en ceci : le gouvernement accepte le candidat désigné par le saint-siège et le candidat désigné, de son côté, doit adresser une demande directe à l’empereur pour être reconnu dans son titre. Après ces premiers actes par lesquels se révèle une entente évidente, il est difficile que la paix religieuse ne soit pas conclue d’une manière plus ou moins complète, plus ou moins définitive. Et maintenant, à ce prix, le chancelier obtiendra-t-il dans le parlement les voix des catholiques ? Ce qui est certain, c’est que M. de Bismarck est un terrible homme : il choisit justement l’heure où nos républicains français lui prennent ses vieilles armes de guerre contre l’église pour signer la paix religieuse !

Ch. de Mazade.