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plus curieuse peut-être dont on soit redevable à Braid renverse les plus ingénieuses combinaisons. Rien ne vit plus, et il faut trouver un agent assez énergique pour revivifier le patient, chez lequel toutes les fonctions auxquelles nous empruntons nos excitations familières sont éteintes. Les bruits les plus aigus, les douleurs vives, les sollicitations de la parole, le laissent insouciant; un souffle sur les yeux rompt le charme ; le sujet se frotte les yeux et passe sans transition d’un sommeil léthargique au libre réveil. C’est une résurrection instantanée.

Ce Lebens-Erreger est unique, insensé, et vrai sans réserves. Je me rappelle qu’un jour un de mes élèves qui a rédigé une bonne thèse sur l’hypnotisme, endormit une malade et oublia de la réveiller. C’était jour de visite à l’hôpital. Les parens arrivent, entourent la malade muette et immobile, qu’ils essaient inutilement par les stimulans accoutumés de rappeler à elle-même. L’étonnement, la terreur les envahit et, les propos aidant, on croit à un sortilège. Le directeur de l’hôpital mandé et moins défiant, interroge la sœur qui le renseigne, mais comment sortir de cette impasse? Il envoie chercher l’élève, qui résout instantanément le problème. L’endormissement durait depuis quatre heures sans trêve; le réveil s’accomplit sans commotion.

Voilà le fait brut, et il est considérable, parce qu’au lieu de répondre à un hasard, il est absolu. La possibilité de couper ainsi court à l’hypnotisme a été une véritable révélation. Qui que ce soit peut souffler sur les yeux du patient avec la bouche, un soufflet, un éventail, l’effet si décisif est toujours le même. Est-on, après une si concluante expérience, en droit de supposer que la personne de l’opérateur joue un rôle prépondérant, que sa volonté exerce un empire merveilleux et que sa seule autorité a créé un état que le premier venu dissipe par un désenchantement presque ridicule ? Que devient alors la théorie de l’influx magnétique, et Braid n’a-t-il pas accompli une œuvre méritoire en démolissant ainsi et d’un seul coup l’échafaudage et en prouvant que, l’opérateur étant indifférent, le résultat dépendait de l’opération?

Dans une des conversazione qu’il organisait tantôt à Manchester, tantôt à Liverpool ou à Londres, Braid, au lieu de faire porter le souffle sur les yeux, le dirigea sur le bras du cataleptisé. A sa grande surprise, il s’aperçut que la rigidité avait fait place à une flaccidité complète. La chose est vraie, mais loin d’être constante. L’expérience renouvelée sur d’autres points donna des résultats analogues. Ce fut pour lui une pénétration dans un monde de phénomènes nouveaux. L’hypnotisme avait envahi l’économie nerveuse tout entière, mais, au lieu d’être une unité, l’hypnotisé lui