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à l’inexorable loi sans donner ce qu’il a de plus intime et de plus cher ! Voilà les difficultés qu’un gouvernement, si grand qu’il soit, se crée par la conquête !

Tandis que l’Allemagne est tout entière à ses combats électoraux et à ces luttes d’opinions qui se déroulent autour de l’imperturbable chancelier, le roi Humbert a donc fait ce voyage en pays autrichien qui a été déjà l’objet de bien des commentaires et sans doute aussi des négociations préliminaires. Le roi Humbert est allé à Vienne accompagné de la reine Marguerite et de deux membres de son cabinet, le président du conseil, M, Depretis, et le ministre des affaires étrangères, M. Mancini. Il a trouvé l’accueil le plus empressé auprès de l’empereur et de la population viennoise. Fêtes, revues, réceptions, galas se sont succédé, et la politique a été évidemment aussi du voyage. Ce n’est pas la première fois, il est vrai, que s’atteste la réconciliation de l’Italie avec l’Autriche. Il y a déjà bien des années que le roi Victor-Emmanuel avait pu aller à Vienne, qu’il avait reçu la visite de l’empereur François-Joseph, et chose plus significative, les deux souverains s’étaient même rencontrés un jour à Venise. Ce qui a fait du voyage du roi Humbert un incident d’une certaine nouveauté et d’un intérêt particulier, c’est qu’il avait été rendu un peu difficile par des imprudences des partis italiens, même quelquefois par des faiblesses de gouvernement depuis quelques années, et qu’il a été facilité au dernier moment par une circonstance suffisamment connue. Le voyage devienne a été un dédommagement du petit mécompte de Tunis ; soit ! Le gouvernement italien n’a pu avoir assurément aucune peine à donner toute satisfaction à l’Autriche au sujet de Trente et de Trieste, à la rassurer de façon à préparer au roi Humbert l’accueil cordial qu’il a reçu. Il n’avait même aucun engagement à prendre ; la démarche du roi était un gage suffisant des intentions de son gouvernement, Après cela, ce voyage est-il destiné à prendre le caractère d’un véritable événement politique ? déguiserait-il quelque projet d’alliance ? On ne voit même pas sur quoi se fonderait cette alliance. L’Italie serait-elle allée chercher une garantie ? Il faudrait au moins qu’elle fût menacée, et ce n’est sûrement pas de la France que viendrait la menace. A-t-elle voulu se créer une position plus forte, plus, régulière en accédant à cette alliance austro-allemande ostensiblement formée pour le maintien de la paix en Europe ? Rien de mieux, et à ce point de vue encore la France n’a point certes à s’émouvoir de voir se multiplier les garanties en faveur d’une paix qu’elle ne songe guère à troubler. Ce n’est donc là qu’un incident de circonstance qui ne change pas notablement la situation générale de l’Europe.

Tout ne se passe pas en visites princières, en démonstrations de circonstance, en réconciliations plus ou moins sincères et en négociations plus ou moins mystérieuses dans les affaires du monde. Il y a des