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trompeuse. Je m’imaginais qu’en étant poli comme M. Gosselin et modéré comme M. Manier, j’étais chrétien.

Je ne peux pas dire, en effet, que ma foi chrétienne fût réellement diminuée. Ma foi a été détruite par la critique historique, non par la scolastique ni par la philosophie. L’histoire de la philosophie et l’espèce de scepticisme dont j’étais atteint me retenaient dans le christianisme plutôt qu’elles ne m’en chassaient. Je me répétais souvent ces vers que j’avais lus dans le vieux Brucker :

Percurri, fateor, sectas attentius omnes,
Plurima quæsivi, per singula quæque cucurri,
Nec quidquam inveni melius quam credere Christo.

Une certaine modestie me retenait. Jamais la question capitale de la vérité des dogmes chrétiens, de la Bible, ne se posait pour moi. J’admettais la révélation en un sens général, comme Leibniz, comme Malebranche. Certes ma philosophie du fieri était l’hétérodoxie même, mais je ne tirais pas les conséquences. Après tout, mes maîtres étaient contens de moi. M. Pinault ne me troublait guère. Plus mystique que fanatique, il s’occupait peu de ceux qui n’étaient