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les denrées coloniales avait dû déterminer, que pour les introductions de blés étrangers qui avaient été la conséquence d’une récolte insuffisante. Même après cette déduction faite, M. Magliani abaissait ses évaluations de recettes à 9 millions au-dessous des résultats réalisés en 1879 dans des conditions économiques et commerciales des plus défavorables, et il croyait satisfaire ainsi par là à toutes les exigences de la prudence. Néanmoins il arrivait ainsi à un excédent de recettes de 17 millions qu’il jugeait suffisant pour faire face aux augmentations de dépenses probables et à l’imprévu.

C’était Là précisément le terrain de la bataille. L’affranchissement des céréales d’ordre inférieur avait réduit à 60 millions le produit du droit sur la mouture, qui ne portait plus que sur le froment. En reculant jusqu’en 1883 l’affranchissement complet du froment et en ne faisant partir que du 1er juillet 1880 la réduction successive du droit, le vote de la chambre n’imposait à l’exercice 1880 la perte que d’un huitième de cette recette de 60 millions, soit de 7 millions 1/2. La question était donc moins de savoir si le budget de 1880 pouvait supporter ce sacrifice que de rechercher si les budgets suivans seraient en état de faire face tout à la fois aux sacrifices croissans qu’imposerait la réduction successive de l’impôt et à l’inévitable progression des dépenses. On était ainsi conduit à examiner dans son ensemble la situation économique et financière de l’Italie. Y avait-il excès de timidité d’un côté ou, de l’autre, excès de confiance? Les embarras du pays subsistaient-ils tout entiers ou l’ère des jours meilleurs avait-elle commencé? Là était l’importance de ce débat, qui absorbait toute l’attention de l’Italie.

Les besoins sont grands, disaient les partisans de la prudence ; ils peuvent, ils doivent s’accroître encore ; notre organisation administrative est défectueuse, notre armement est incomplet. Pour tout mettre sur un pied convenable, il sera nécessaire d’accroître les dépenses. L’équilibre de vos budgets tient à quelques millions et vous ne l’obtenez que par des expédiens ; vous ne réservez rien pour l’imprévu. La moindre erreur dans vos calculs, la moindre déception dans vos espérances, peuvent créer des embarras sérieux et durables. Est-il prudent, est-il raisonnable, en présence d’une semblable situation financière, de sacrifier une recette certaine, indiscutable, de 60 millions ? Vous avez affranchi ce qui concourt à l’alimentation des classes populaires, les autres classes peuvent attendre : l’humanité a eu sa part, que la sagesse ait aussi la sienne. À cette argumentation spécieuse M. Magliani opposait les résultats des cinq derniers exercices. L’ère des déficits budgétaires était définitivement close : depuis 1875, tous les budgets s’étaient réglés avec des excédens de recettes. Cette continuité démontrait que l’équilibre du budget