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joufflus, pansus et repus ? D’ailleurs, avec M. Sellier, si le physique laisse à désirer, des compensations nous seront probablement offertes du côté de la voix, très belle, en somme, et très capable de perfectionnement, ainsi que le remarquait Verdi pendant les répétitions d’Aïda. Arrêtons là nos réflexions sur Françoise de Rimini et, sans prétendre rien conjecturer à l’endroit d’une partition dont nous ne connaissons pas une note, espérons y trouver l’œuvre d’un maître et le couronnement d’une carrière presque illustre, car, ne l’oublions pas, entre les compositeurs ayant survécu à la grande période, M. Ambroise Thomas est le seul qui ait su écrire expressément pour l’Académie nationale un ouvrage d’envergure à se maintenir au répertoire. Son Hamlet subsiste et surnage, tandis qu’autour de lui a sombré tout ce qui n’était ni de Meyerbeer, ni de Rossini, ni même d’Halévy. L’argument de Faust ne saurait même ici nous contredire, Faust n’étant guère qu’un opéra de genre non écrit pour l’Académie nationale et venu du Théâtre-Lyrique par importation.

Cependant, avant la grosse frégate, deux bricks seront lancés : le ballet de M. Lalo et le Barbier de Séville de Rossini. Le ballet a nom Namouna et pourrait tout aussi bien s’appeler Hazélia, à moins qu’il ne s’appelât Nourmahal, Fatmé, Ayadizé, ou la Jeune Captive, comme une simple orientale de Victor Hugo. Une autre fois, nous en conterons l’histoire aussi divertissante qu’un chapitre des Mémoires de Casanova, d’où on l’a tiré ; pour aujourd’hui, la discrétion nous commande d’être bref et de ne dire là-dessus que ce que tout le monde sait ;

Le sujet vous plaira, seigneurs, si Dieu nous aide,
Deux beaux fils sont rivaux d’amour, — la signera
Doit être jeune et belle, et si l’actrice est laide,
Veuillez bien l’excuser…


Or, comme c’est la Sangalli qui joue la signera, il ne sera besoin d’excuser personne. La musique est de M. Lalo, un des symphonistes les plus accrédités près des habitués des concerts Colonne et Pasdeloup et que le grand public connaîtra demain. Écrire un ballet ! bien des gens persistent encore à ne voir là qu’une besogne secondaire, ignorant que Beethoven s’y appliqua, et qu’il existe un ballet de Don Juan, signé de Gluck. Quelle tâche au contraire plus intéressante, fût-ce par le seul attrait de la difficulté vaincue ? Accepter bénévolement les conventions les plus arbitraires, n’avoir jamais, pour s’espacer, qu’un certain nombre de mesures déterminé par le chorégraphe, et, avec cela, faire mouvoir toute une action, souligner, commenter chaque geste de ses personnages et rester musical dans le sens élevé du mot, ne renier sous aucun prétexte ni son art, ni le style ! « Comment pouvez-vous prendre en patience toute cette chinoiserie ? » disions-nous à M. Lalo. « Le casse-tête, nous répondit-il, loin de me rebuter, me passionne, car j’y trouve à satisfaire cette curiosité qui vous pique, vous