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pour l’Europe une année de grands événemens. Elle n’aura pas moins eu pour plus d’un pays de l’Europe comme pour la France ses heures critiques, ses confusions, ses incidens dramatiques, et en fin de compte, elle laisse une situation peut-être assez difficile, compliquée de toute sorte de questions intérieures ou extérieures mal réglées. Elle a été pour l’Angleterre l’année d’une nouvelle crise irlandaise, de ces agitations qui sont loin d’être apaisées, avec lesquelles le cabinet de M. Gladstone en est encore à se débattre, dont il n’a pu avoir raison jusqu’ici ni par les mesures libérales du Land-Act ni par les répressions. Elle a été pour la Russie l’année des attentats nihilistes, du meurtre de l’empereur Alexandre II, de cette crise révolutionnaire ou sociale que rien ne peut dompter, qui reste une sinistre énigme et l’embarras croissant du nouveau règne. Non sans doute cette année, dont la dernière heure sonne aujourd’hui, n’aura pas été facile pour les plus grandes puissances qui ont de laborieuses affaires intérieures, et si dans les rapports généraux de l’Europe elle n’a point été marquée par des guerres ou par de dangereuses ruptures, on peut dire cependant qu’il reste bien des incertitudes, bien des problèmes obscurs. Le monde va un peu à l’aventure au milieu des difficultés qui lui font un périlleux cortège d’année en année. A toutes les questions plus ou moins saisissables qui se reproduisent à tout propos, qui intéressent l’ordre international, verra-t-on se joindre d’ici à peu une question nouvelle, cette question semi-religieuse, semi-diplomatique de Rome et de la papauté ? Ce redoutable problème qui semblait sommeiller jusqu’à ces derniers temps va-t-il se réveiller encore une fois? Le fait est qu’il y a là quelque chose qui n’est pas clair. A entendre tout ce qui se dit en Italie comme en Allemagne, à voir tout ce qui se passe, on croirait entrer dans une phase nouvelle des affaires de Rome où le chef de la catholicité et l’Italie se retrouveraient en présence, où le chancelier de Berlin, lui aussi, aurait son mot à dire, son influence à exercer. Le pape, l’Italie et M. de Bismarck, c’est entre ces trois personnages que semble s’agiter une question à la vérité encore assez obscure.

De quoi s’agit-il réellement? Jusqu’à quel point, dans quelle mesure la question est-elle engagée? Ce qui n’est point douteux, c’est que depuis quelque temps, il y a un changement sensible, qui s’explique peut-être par le caractère du nouveau chef de l’église autant que par des circonstances imprévues. Tant que le dernier pape a vécu enfermé au Vatican, la protestation était sa seule diplomatie; c’était aussi sa dignité, la dignité d’un pontife éprouvé par le malheur. Pie IX n’a cessé de protester envers et contre tous. Il a protesté contre les Italiens; il a protesté contre l’Allemagne et contre la Russie, pour les traitemens que ces deux puissances infligeaient aux catholiques. Il a gardé jusqu’au