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françaises seraient en marche dans les premiers jours d’août et que la jonction avec les Bavarois serait opérée avant le 15. Avec la meilleure volonté du monde, une plus grande diligence n’aurait pas été possible.

Je doute fort que Frédéric approuvât une disposition aussi vicieuse que ce commandement en partie double exercé à distance et par délégation ; mais il comprenait que Belle-Isle, engagé d’honneur à faire réussir une aventure où se jouait sa renommée; était obligé de tout subir et de se prêter à tout pour ne rien compromettre, et cette dépendance lui convenait. Aussi n’hésita-t-il pas à lui écrire : « Je félicite le roi de France de ce qu’il a déclaré le maréchal de Belle-Isle généralissime de ses armées d’Allemagne... Il n’y a, je crois, rien à ajouter aux mesures qu’on a prises, et je suis dans la persuasion que rien au monde ne pourra mettre d’obstacle à la sagacité de ces arrangemens... Je vous ai mille obligations des peines et des soucis que vous avez pris dans cette affaire qui ne pourra que vous faire une réputation immortelle[1]. »

Il n’était que temps de le satisfaire ; car, au moment où il apprenait les dispositions belliqueuses de Belle-Isle, l’autre opération, la négociation pacifique qu’il continuait à suivre du coin de l’œil, faisait un pas considérable. Marie-Thérèse vaincue, au moins en apparence, se décidait à accorder, ou plutôt se laissait arracher une concession de quelque importance. Le traité conclu avec la France et dont le secret n’avait pu être religieusement gardé, lui avait été annoncé peu de jours après la signature, par l’intermédiaire du roi d’Angleterre. Quand la communication en fut faite aux conseillers autrichiens par le ministre anglais, ils tombèrent à la renverse sur leurs sièges, dit cet envoyé, blêmes comme des cadavres. En même temps, George II, venu lui-même à Hanovre pour surveiller la marche des événemens, faisait savoir qu’afin de se conformer à la lettre des traités, il allait mettre à la disposition de la reine un corps de douze mille hommes, composé de Hessois et de Danois pris à sa solde, et un subside de 300,000 mille livres sterling: mais il ne cachait pas que ce secours serait manifestement insuffisant pour mettre l’Autriche en état de tenir tête aux forces coalisées qui la menaçaient, et il déclarait qu’on n’obtiendrait rien de plus de lui tant que l’on s’obstinerait à refuser les sages transactions nécessaires pour réunir toute l’Allemagne contre l’ambition française. « Si la cour de Vienne, écrivait le 21 juin le principal secrétaire d’état britannique à Robinson, s’obstine à risquer le tout, plutôt que de faire aucun sacrifice pour gagner le roi de Prusse dont le concours à la cause commune est si nécessaire,.. elle ne

  1. Frédéric à Belle-Isle, 30 juillet 1741. — Pol. Corr., t. I, p. 290.