Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le congrès de Paris eut, en 1856, posé les bases d’un droit maritime uniforme en temps de guerre, l’Espagne, le Mexique et les États-Unis refusèrent d’adhérer à ses résolutions. Cependant la civilisation venait de remporter une de ses victoires, et, comme le disait M. Franck en 1860, comme le répéta Calvo en 1868, le droit international avait fait un grand pas. Un simple traité qui détermine d’une façon plus équitable et plus humaine les rapports de deux ou trois puissances sert à la fois de règle aux contractans et de modèle aux autres peuples : chaque réforme partielle de l’ancienne pratique en annonce la réforme universelle, et lorsqu’une série de pactes a sanctionné l’innovation, le consensus gentium est établi ou près de s’établir, la révolution est faite. Quand les traités des Pyrénées, de Nimègue, de Ryswick et d’Utrecht eurent successivement exigé que les navires neutres saisis par les croiseurs belligérans ne pussent être définitivement attribués au capteur sans qu’un tribunal spécial en eût déclaré la prise bonne et valable, ce principe ne fut plus contestable.

Chaque état peut même, abstraction faite des contrats internationaux, par le seul développement de son droit public interne, concourir au développement du droit international. Si la France n’avait pas écrit dans son règlement du 26 juillet 1778 que le pavillon neutre couvre la marchandise à l’exception de la contrebande de guerre et n’avait pas défendu cette maxime avec persévérance, il n’est pas certain qu’elle eût pu la faire prévaloir, en 1856, au congrès de Paris. La loi américaine de 1818 concernant les enrôlemens pour l’étranger a, sans nul doute, exercé une sérieuse influence sur la détermination des lois générales de la neutralité. Le gouvernement anglais s’en inspirait dès 1819 et faisait voter un act analogue, que compléta l’act du 3 aoùt,1870, défendant atout citoyen du royaume-uni de s’engager dans les armées des belligérans, de recruter des soldats pour leur compte, de ravitailler directement leurs escadres, de construire ou d’équiper des navires destinés aux hostilités. Il n’y a pas là, sans doute, une règle générale, obligatoire pour tous, mais l’utile préface d’une règle générale. C’est à la fois un fragment du droit international et le droit commun international en voie de formation.

Les écrits des publicistes sont un dernier élément de ce progrès. Kent, le grand juge de la cour suprême des États-Unis, allait assurément trop loin lorsqu’il énumérait, en 1826, parmi les sources du droit public international, les ouvrages des jurisconsultes : leur autorité se borne à mettre en relief et à fortifier les principes qui dérivent de la nature des choses ou reposent sur le consentement des peuples. Cependant certains livres ont contribué plus sûrement que dix conventions à propager des vérités qui sont devenues