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vue non plus qu’elle peut servir de type à la monnaie internationale, si tant est qu’on doive réaliser un jour ce desideratum. Déjà, en 1878, sur notre proposition dans un congrès pour l’unité des poids et mesures qui eut lieu à l’occasion de l’exposition universelle de Paris, on a reconnu cet avantage à la pièce de 10 francs. On ne pourrait donc pas la démonétiser d’une façon absolue. Ce qu’il y a de plus probable, c’est que, sauf en ce qui concerne les coupures de papier-monnaie au-dessous de 20 francs et les pièces d’or de 5 marcs et de 5 francs, qui peuvent être remplacées avec avantage par de l’argent, la conférence ne fera rien au mois d’avril, et se séparera comme celle de 1878 en renouvelant des vœux platoniques, si cela lui convient, en faveur du double étalon.

Maintenant tout sera-t-il fini et n’aurons-nous plus en France qu’à nous croiser les bras et à maintenir le statu quo? Là est la question qui nous intéresse particulièrement. La Banque de France a dû dans ces temps derniers élever le taux de l’escompte, ce qui a donné lieu à beaucoup de critiques et favorisé des excès de spéculation ; cela tient surtout à ce que notre principal établissement financier est dans une situation des plus fausses. Il a les deux tiers de son encaisse métallique, 1 milliard 200 millions, en argent, dont il ne peut se servir et qui est dans ses caisses comme des pierres dans un sac. Il ne possède en réalité que 600 millions d’or pour répondre de 2 milliards 800 millions de papier fiduciaire, et avec un change défavorable vis-à-vis de l’Angleterre et des États-Unis, qui existe déjà depuis longtemps. On comprend qu’il ait cherché à défendre cette encaisse si faible en élevant le taux de l’escompte. Mais le malheur a été que ce renchérissement du taux de l’intérêt ait pesé sur le commerce qui a été puni pour des fautes qu’il n’avait pas commises. On a parlé de crise financière, c’est une erreur; il n’y a point eu de crise financière dans la véritable acception du mot; ces sortes de crises se manifestent à la suite de ce que les Anglais appellent un over-trade, lorsque le commerce a exagéré ses opérations, comme nous l’avons vu à certaines époques, ou après de grandes immobilisations de capitaux; cela n’a pas du tout été le cas cette année : l’over-trade n’a existé ni en France ni en Angleterre; il y aurait eu plutôt un certain ralentissement dans les affaires, les états de douane sont là pour l’attester. Ainsi, pendant les onze premiers mois de l’année 1881, le total des importations et exportations réunies a été de 7 milliards 786 millions contre 7 milliards 637 millions en 1880; pour l’Angleterre, les chiffres sont 576 millions de livres sterling en 1881 contre 581 en 1880.

Il n’y a pas eu non plus une trop grande immobilisation de capitaux. Les capitaux s’immobilisent quand on fait de grands travaux publics, qu’on construit beaucoup de chemins de fer, qu’on creuse