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obstination : mais toujours est-il qu’à peine sortie de ses difficultés avec ses sujets de Hongrie et avant de reprendre les hostilités avec le concours des forces nouvelles qu’elle attendait, d’eux, on la voit, comme si elle eût lait à l’école de Frédéric de véritables progrès en diplomatie, engager deux négociations en sens divers, qui, ne pouvant aboutir toutes deux puisqu’elles tendaient à des résultats contradictoires, avaient évidemment pour but principal de jeter la discorde entre les alliés. En même temps, presque le même jour, elle fit parvenir des ouvertures à Fleury et à Frédéric. A Fleury elle offrait, pour le compte de la France, la cession du Luxembourg, et pour l’électeur de Bavière aussi bien que pour le roi d’Espagne, telle partie du Milanais et des Pays-Bas dont on pourrait convenir à l’amiable, moyennant renonciation de la part de l’électeur à toute candidature à l’empire aussi bien qu’à toute prétention sur les domaines autrichiens d’Allemagne. A Frédéric (ce qui devait plus coûter à son orgueil) elle promettait de faire droit à toutes les concessions demandées dans l’ultimatum qu’avait rapporté Robinson. Il est vrai qu’elle y mettait la condition expresse et à peu près inacceptable que le roi engagerait sa voix électorale pour le grand-duc et qu’il tiendrait au besoin un corps de dix mille hommes à sa disposition pour l’aider dans ses difficultés. Ces deux propositions avaient au moins un point commun ou, si l’on veut, un but pareil, bien que poursuivi par des moyens opposés : c’était l’élévation du grand-duc à l’empire, intérêt de cœur et de politique de premier ordre qui primait évidemment tout autre dans la pensée de la princesse. C’est comme sa signature mise au bas des deux documens ; seulement on peut se demander ce qu’elle aurait fait si elle avait obtenu des deux parts une réponse affirmative.

C’est un embarras qui, de la part de la France au moins, lui fut tout de suite épargné, car le refus même d’entrer en pourparlers fut immédiat et catégorique. Ce n’est pas qu’elle n’eût fait de ce côté de véritables efforts pour faire agréer son offre. Elle avait pris sur elle d’écrire encore de sa propre main à Fleury une lettre touchante, le suppliant, au nom de l’humanité et de l’évangile, d’épargner le sang de ses sujets, car (disait-elle par une allusion heureuse au dévoûment des Hongrois), « quoique femme, le courage ne me manque pas, et si cette dernière tentative ne réussit pas, il faudra venir à des extrémités bien cruels, et j’ai bien des sujets qui sauront soutenir mes droits, et plutôt que me voir avilie, tout hasarder et même savoir périr. » Elle promettait en même temps au cardinal, s’il consentait à écouter ses ouvertures, de lui en garder rigoureusement le secret : pour l’en assurer davantage, elle lui faisait passer sa lettre directement par l’intermédiaire du chargé d’affaires de France à Vienne, à l’insu de ses propres ministres,