Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/553

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA CRITIQUE CONTEMPORAINE
ET LES
CAUSES DE SON AFFAIBLISSEMENT


I.

C’est un fait notoire, pour tous ceux qui observent les révolutions du goût et qui étudient les mœurs littéraires, que la critique de notre temps est réduite à un état de médiocrité et d’impuissance où on ne l’avait jamais vue. Je ne veux parler ici ni de la critique érudite, celle qui s’applique à l’histoire de la langue et au commentaire des textes, ni de la critique d’art et de théâtre, qui doivent se multiplier pour répondre à la production toujours croissante des œuvres de ce genre et à l’importance qu’elles ont prise dans les habitudes de la société contemporaine. Encore moins parlerai-je de la critique religieuse, si active et si passionnée dans la lutte suprême engagée de nos jours. Toutes ces formes de l’esprit humain appliqué au choix et au discernement du bien ou du vrai mériteraient assurément d’être étudiées dans leur état présent et leurs transformations; mais je veux limiter la question que j’étudie à la critique des livres, des œuvres littéraires, historiques ou philosophiques, celle qu’ont honorée en d’autres temps, pour ne parler que des morts, les Villemain, les Saint-Marc Girardin, les Gustave Planche, les Sainte-Beuve, et qui avait dans son vaste domaine soit la littérature comparée des diverses nations et des différens siècles, soit la littérature indigène, dont on analysait curieusement les manifestations les plus hautes et les plus variées, les mouvemens de recul ou de progrès, les évolutions, en un mot, avec les types les plus expressifs dans chaque genre.

Dans un temps qui n’est guère éloigné de nous, il y a vingt ans