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LA
QUESTION ROMAINE
ET M. DE BISMARCK

Les peuples comme les individus sont trop enclins à croire qu’il ne tient qu’à eux de se soustraire par un coup de tête ou par quelque heureuse invention à certaines difficultés qui les troublent ou les irritent. On s’avise d’un expédient pour les résoudre, et on se flatte d’en être à jamais débarrassé; mais quand on s’y attend le moins, elles reparaissent subitement, et il se trouve que la politique a ses revenans. Les Italiens ont éprouvé récemment l’une de ces surprises désagréables. Le dépit qu’ils en ont ressenti a été d’autant plus cuisant que la vivacité de leur imagination les dispose à grossir leurs chagrins, sans compter que ces enfans gâtés de la fortune, accoutumés à ses complaisances, prennent plus difficilement leur parti des contrariétés et des traverses qui mêlent quelques épines à leur bonheur.

Quand ils résolurent de transférer leur capitale à Rome et de faire main basse sur le patrimoine de Saint-Pierre, ils eurent la sagesse de comprendre qu’ils devaient des gages à deux cents millions de catholiques, en assurant le plein exercice du pouvoir spirituel du saint-siège, et ils pensèrent avoir tout concilié, tout sauvé, répondu d’avance à toute objection par la fameuse loi des garanties, qui octroyait au pape l’inviolabilité de son domicile aussi bien que de sa personne et ses libres communications avec tous les fidèles. L’Europe n’y trouva rien à redire, elle parut acquiescer par son silence, elle laissa aux habiles politiques de Florence la responsabilité de leurs décisions et de