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grammes et de vos définitions, s’il réforme la constitution tout entière comme il l’entendra ? — Il arrivera, a répondu le chef du cabinet, que ce sera une illégalité, un fait révolutionnaire. — Qu’est-ce à dire ? Quelle sanction y aurait-il contre cette prétendue illégalité ? — Ce serait au pouvoir exécutif, au chef de l’état, d’aviser, a répondu encore le président du conseil. — Il faut cependant un ministre pour contresigner les actes du chef de l’état. — Il se trouvera un ministre, gardez-vous d’en douter, » a répondu simplement et nettement M. Gambetta. Aussitôt, dans la commission, on s’est voilé la face et on a levé les bras au ciel ! On s’est figuré entendre dans les galeries du Palais-Bourbon le pas des grenadiers de l’orangerie de Saint-Cloud, et on a cru pour le moins toucher à un 18 brumaire ! C’était une véritable puérilité d’esprits troublés, prompts à s’échauffer pour des questions oiseuses et à se jeter à tout propos dans les hypothèses les plus extrêmes. Heureusement il n’y a pas eu le plus petit 18 brumaire ! Il n’y a eu qu’un débat porté devant la chambre elle-même, une discussion où M. Gambetta est allé bravement au feu, couvrant de sa parole le sénat, contre les radicaux, démontrant contre la commission la nécessité de limiter la revision, de définir d’avance le rôle du congrès, défendant aussi le scrutin de liste, soutenant en un mot jusqu’au bout ses projets tels qu’il les avait proposés. Quant à la commission des trente-trois, elle a eu pour rapporteur, pour porte-parole l’ancien préfet de police, M. Andrieux, qui n’a pas pu déguiser ses ressentimens, son humeur agressive contre le chef du cabinet, et la chambre, placée au milieu de toutes les contradictions, de toutes les confusions, la chambre a donné raison à sa commission. S’est-elle rendu un compte exact de ce qu’elle faisait en adoptant un paragraphe choisi d’un commun accord comme le champ de bataille où la question devait être tranchée ? Elle a fait comme la commission, elle a volé contre le président du conseil ; elle a voté tout ce qu’on lui proposait sans se demander ce qui arriverait de cette sanction impatiente donnée par elle à une résolution désormais sans avenir. En une séance tout a été fini : la cause du ministère était perdue !

Ainsi, il y a moins de trois mois, M. Gambetta arrivait au pouvoir avec l’apparence d’un ascendant irrésistible, en honme qui se croyait pour longtemps maître de la direction des affaires, qui se flattait d’avoir assez d’autorité pour imposer une politique, pour rallier une majorité obéissante dans le parlement. Aujourd’hui il disparaît dans une bourrasque avec sa revision, ses projets, ses réformes et son ministère. Voilà les faits. Comment s’expliquent-ils ? Dans quelle situation celle crise soudaine laisse-t-elle et le premier ministre si promptement tombé, et la chambre peut-être aussi embarrassée qu’étonnée de sa victoire, et le sénat, qui est resté le spectateur de ces luttes où il était en jeu, et le ministère, appelé à débrouiller, s’il le peut, toutes ces