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souvenirs sous le nom de krach de Vienne. La prospérité publique ici est très réelle et non point factice. Les plus-values constantes dans le rendement des impôts n’appartiennent pas au domaine de la fantaisie; les accroissemens de recettes de nos chemins de fer ne sont pas fictifs, non plus que ceux de la Compagnie de Suez, de la Compagnie du gaz, de toutes nos grandes entreprises industrielles et commerciales. Les capitaux sont extrêmement abondans et les caisses des établissemens de crédit regorgent de millions. On a vu, pendant les jours les plus sombres de cette semaine, les capitaux de placement affluer sur le marché du comptant et commencer la récolte des valeurs à vil prix. L’aubaine est bonne pour l’épargne, et l’on peut être assuré que l’occasion qui s’offre ne sera pas perdue, car le public ne tardera pas à reconnaître la signification réelle des incidens qui viennent de se produire et à ramener le désastre à sa véritable portée, c’est-à-dire à la portée d’une simple crise de spéculation.

L’Union générale, après la Banque de Lyon et de la Loire, subit les dures conditions de la lutte ; vaincue, elle ne peut plus espérer reprendre un jour le rôle qu’elle a joué de 1879 à 1882 sur la scène financière. Mais qu’y a-t-il de changé dans les conditions générales de la vie économique du pays? Si l’action du Crédit foncier a fléchi de 150 francs, cet établissement n’en voit pas moins s’augmenter constamment le montant des prêts qu’il fait aux propriétaires et aux communes. Les chemins de fer n’ont jamais eu un trafic plus actif; toutes les entreprises industrielles se développent avec une merveilleuse rapidité. Si la période des primas exagérées est close, nos grands établissemens de crédit n’en procéderont pas moins à l’éclosion des affaires qu’ils ont en préparation; ils s’adresseront un peu moins à la spéculation, un peu plus à l’épargne, et les créations sérieuses n’en souffriront pas.

La guérison du marché commencera par le relèvement de nos fonds publics. La solidité des rentes a été la consolation du monde financier pendant les journées d’épreuve. Si vraiment le programme financier du nouveau ministère se résume, comme on l’a dit, en ces trois négations : ni émission, ni conversion, ni rachat, le 5 pour 100 va ressaisir la direction du marché, et la hausse de ce fonds favorisera la reprise des bonnes valeurs. Seulement il n’est que trop évident que tout mouvement de hausse sera intempestif, tant que la situation de la place ne sera pas entièrement liquidée, et que ce n’est, par conséquent, pas en quelques jours que pourra se produire l’amélioration que nous aimons à prévoir.


Le directeur-gérant : C. BULOZ,