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beaucoup de peine à montrer que la résolution votée par la chambre n’était pas de celles qu’il pouvait être obligé de porter au sénat, que cette résolution d’ailleurs avait trouvé la majorité de la chambre elle-même fort divisée, et que dans ces circonstances, par toute sorte de raisons ce qu’il y avait de mieux, c’était de n’en plus parler pour le moment. M. de Freycinet n’a pas précisément, pour employer le mot vulgaire, enterré la question; il l’a du moins ajournée à des temps meilleurs, et tandis que M. Gambetta faisait de la révision de la constitution la condition première de toutes les réformes qu’il promettait, le nouveau président du conseil s’est prudemment contenté de laisser entrevoir cette révision comme le couronnement possible, éventuel des réformes qu’il se réserve de proposer.,

C’est une première difficulté écartée avec l’assentiment de la chambre elle-même. C’est un premier point sur lequel le cabinet du 30 janvier n’a point hésité à répudier l’héritage du cabinet du 14 novembre, et il n’est pas plus disposé sans doute à accepter la succession sur un certain nombre d’autres points. Il est assez vraisemblable, il est même certain que le nouveau garde des sceaux, M. Humbert, qui est un jurisconsulte sérieux, n’est nullement décidé à s’approprier la réforme judiciaire de M. Cazot, et il est plus vraisemblable encore que le gouvernement d’aujourd’hui se fera un devoir de laisser à M. Paul Bert l’honneur de ses interprétations concordataires aussi bien que de ses prévoyantes instructions sur les jardins des curés de village. Il y aura d’autres projets, d’autres réformes qui iront rejoindre tout ce qui a été déjà présenté depuis qu’on est convenu qu’il faut tout réformer. Qu’en sera-t-il au bout, et des projets substitués à ceux qui ont été proposes par le dernier cabinet, et de la politique du gouvernement dans cette phase où l’on vient d’entrer, et de l’existence même du ministère qui ne compte encore que quelques jours? Voilà justement la question qui est loin d’être éclaircie.

Non sûrement, bien que les premières difficultés aient été vaincues, bien que les circonstances favorables ne manquent pas plus que les bonnes intentions au nouveau cabinet, non, tout n’est pas clair. La situation ne laisse pas d’être laborieuse, par toute sorte de raisons politiques, parlementaires, publiques ou intimes. On vient de le voir ces jours derniers par un petit conflit de notes anonymes touchant précisément le point vif, cette question des finances et des grands travaux publics, sur laquelle on a eu à s’entendre avant la constitution du cabinet. Une de ces notes a dit : « On a généralement donné une forme trop absolue aux conditions mises par M. Léon Say à son entrée au ministère. » Et on expliquait comment il ne s’agissait que d’une renonciation momentanée à des émissions de dette amortissable pour des travaux qui ne seront pas ralentis, qui sont d’ailleurs dotés