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qu’elles doivent au trésor et de celui qu’elles devront payer pour les obligations qu’elles émettront afin de rembourser cette dette. Ce préjudice est bien plus considérable, et il est surprenant que l’honorable M. Varroy ne s’en soit pas aperçu. Prenons comme exemple la compagnie d’Orléans : elle doit aujourd’hui au trésor 205 millions; mais ces 205 millions se divisent en deux sommes bien distinctes : d’une part, 155 millions, représentant l’avance faite en capital par l’état et portant intérêt à 4 pour 100; d’autre part, 50 millions qui représentent les intérêts accumulés et qui eux-mêmes ne portent aucun intérêt au profit du trésor. La compagnie d’Orléans va emprunter à 4 ¼ ou 4 ½ pour 100 non-seulement la somme nécessaire au remboursement des 155 millions pour lesquels elle paie actuellement un intérêt de 4 pour 100, mais encore la somme nécessaire au remboursement des 50 millions pour lesquels elle n’a aujourd’hui aucun intérêt à payer. Le préjudice éprouvé par la compagnie d’Orléans sera de ce chef de 2 millions par an pendant toute la durée de la concession. Si la compagnie n’obtient pas des avantages sérieux en compensation de ce sacrifiée incontestable et considérable, elle mériterait d’être judiciairement interdite. Le sacrifice qu’elle consent est d’ailleurs encore plus grand, car en remboursant l’état, elle perd la ressource qu’elle a actuellement de diminuer ou de suspendre ses versemens si ses recettes, par une cause quelconque, venaient à diminuer[1].

Le remboursement immédiat ou prochain de 260 millions est donc une charge pesante pour les compagnies; ce n’est toutefois que le moindre avantage qui échoit à l’état du chef des conventions nouvelles. Le plus grand profit pour l’état, c’est que les compagnies consentent à construire et à exploiter à leurs risques et périls une très forte partie des 17,000 kilomètres de chemin de fer que l’on a promis au pays. Ces voies ferrées nouvelles coûteront bien 3 ou

  1. On peut objecter peut-être que, d’après le plus récent arrangement pris avec la compagnie d’Orléans, il a été stipulé que le remboursement des 200 millions laisserait la compagnie exactement dans la situation où elle est aujourd’hui. On entend sans doute par là qu’on relèvera le chiffre du revenu réservé, de telle façon que le dividende actuel ne soit pas entamé par les conséquences du remboursement. Ce sera une précaution utile pour la compagnie. Il n’en est pas moins vrai que celle-ci supportera toujours un certain détriment pécuniaire du chef du remboursement, puisqu’elle substituera une dette contractée vis-à-vis du public et portant intérêt intégralement à une dette qui aujourd’hui ne porte pas intérêt pour 50 millions. Supposons qu’en 1883 la compagnie puisse rembourser à l’état, sous le régime actuel, 8 millions; sut cette somme, 6 millions seulement représenteraient l’intérêt à 4 pour 100 des 150 millions dus en capital par la compagnie à l’état, et les deux autres millions viendraient en amortissement du capital. Après la convention pour le remboursement intégral, au contraire, les 8 millions seront entièrement absorbés par le paiement des intérêts, et le capital de la dette n’en sera aucunement réduit; le préjudice pour la compagnie nous parait donc évident.