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de le rappeler, a été réduit à une somme minime, restituée en fait sous une autre forme aux populations rurales, tandis que les autres impôts s’accroissent d’un poids d’autant moins lourd pour ceux qui les supportent, qu’ils sont en fait plus élevés.

La cause la plus certaine de cette infériorité relative de notre production agricole, que la concurrence américaine nous a révélée, qu’on ne saurait lui attribuer, provient uniquement de ce que, si nous avons pu emprunter aux Américains une partie de leur outillage, nous n’avons pu constituer comme eux l’usine agricole, le milieu dans lequel cet outillage doit fonctionner pour pouvoir produire tous ses bons effets.

L’usine manufacturière, si considérable que soit sa production, n’exige qu’une surface de terrain limitée, renfermée dans l’étroite enceinte d’une clôture, où l’on peut entasser les productions naturelles d’une province entière et organiser les forces mécaniques nécessaires pour les transformer en produits ouvrés d’un ordre supérieur : minerais en barres de fer, barres de fer en engins de toute sorte, laine ou coton en étoffes, blé en farine ou en pain. L’usine agricole correspondante ne saurait s’adapter dans un aussi faible espace. Elle doit englober nécessairement toute la surface du terrain à cultiver. Pour qu’elle puisse fonctionner avec toute l’économie possible de frais généraux, dans les meilleures conditions de rendement des machines les plus perfectionnées, il est nécessaire qu’elle embrasse, non les 50 ou 100 hectares de sol morcelé qui forment en général le domaine de nos plus grandes fermes, mais quelque chose de correspondant à ces vastes exploitations agricoles du Nouveau-Monde, où des milliers de têtes de bétail paissent en liberté sous la garde de quelques surveillans, dans des enclos aussi grands que des provinces ; à ces champs de blé sans limites qui, dans les régions de l’Ouest américain, produisent les céréales par 10,000 et 100,000 hectolitres. De pareils résultats de simplification dans les dépenses ne sauraient jamais être réalisés chez nous. Nos plus grandes fermes ne pourront jamais s’en rapprocher que de très loin, et les petites exploitations y resteront complètement étrangères. Pourra-t-on y arriver un jour par l’association groupant les terres éparses d’un grand nombre de propriétaires, supprimant révolutionnairement ces limites enchevêtrées qui morcellent à l’excès notre sol cultivable, fondant en une seule exploitation générale vingt exploitations partielles ?

Comme exemple d’association agricole, on pourrait citer les fruiteries de la Suisse et de quelques-unes de nos provinces de l’Est ; mais on ne saurait espérer voir de tels résultats se généraliser sur une grande échelle. Quelques propriétaires pourront bien sans doute