Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/962

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Le groupe de la haute banque a continué pendant la première quinzaine d’avril ses achats de fonds publics, et c’est à cette circonstance que doit être attribuée l’activité relative qui n’a cessé de régner sur ce marché spécial, alors que les transactions restaient fort limitées sur les valeurs industrielles et sur les titres des établissemens de crédit. Le public toutefois ne paraît pas disposé à accepter sans discussion les prix que les banquiers veulent lui imposer; aussi la hausse s’est-elle arrêtée après quelques jours, bien qu’aucun fait politique ou économique de quelque importance ne se soit produit, au dedans ou au dehors, qui puisse décourager la spéculation. Le mouvement rétrograde, d’ailleurs peu accentué, qui a fait reperdre depuis trois jours une partie de l’avance obtenue après la liquidation, n’a donc vraisemblablement d’autre cause que l’hésitation des capitalistes à s’engager dans les fonds publics au niveau actuel. Cette hésitation devant peu à peu disparaitre si les cours sont solidement maintenus, on peut croire à une reprise de la hausse avant un bien long délai. Pendant quelque temps encore, quoique l’argent soit déjà un peu moins aisé à Londres et à Paris, les taux des reports se maintiendront relativement bas, et les haussiers auront toutes facilités pour proroger leurs engagemens.

La retraite définitive du prince Gortchakof et son remplacement au ministère des affaires étrangères par M. de Giers ont produit une excellente impression en Allemagne, en Autriche et en Angleterre. On a vu dans le choix du nouveau ministre un symptôme pacifique. Les fonds russes, qui avaient sensiblement baissé depuis l’incident Skobelef, se sont aussitôt relevés à Berlin et à Londres. Par contre, la question égyptienne est revenue au premier plan et cause de vives préoccupations au-delà du détroit. Les consolidés ont fléchi sur la nouvelle que des complications étaient à redouter au Caire et que le nouveau régime menaçait d’aboutir promptement à une véritable anarchie. Il est, d’autre part, à noter que les porteurs de litres de la dette égyptienne ne se sont pas émus autant que paraitrait le comporter la situation; car l’obligation unifiée s’est maintenue entre 355 et 360. On considère sans doute que le pis qui pourrait survenir serait une intervention armée sur les bords du Nil, et qu’un tel événement n’aurait assurément pas pour résultat de compromettre la solidité des garanties dont a été entouré le service de la dette.