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fort difficile. Tout en glanant ce qu’on a pu, on n’est arrivé qu’à un médiocre résultat. L’école primitive de Cologne est à peu près absente du musée de Berlin. Quant à l’école de Nuremberg, Wohlgemuth n’y figure pas, et Dürer, son illustre élève, n’y est représenté que par un petite Vierge, nouvellement acquise du marquis Gino Capponi, mais assez disgracieuse, et qui nous montre, une fois de plus, à quel point le sentiment de la beauté féminine était étranger au grand maître. Très altérée par de nombreux repeints, cette Vierge appartient, du reste, à ce moment de la vie de Dürer où, pressé par les commandes de l’empereur Maximilien, il a produit ses peintures les plus faibles. En revanche, les œuvres des imitateurs ou des élèves de Dürer sont nombreuses ; mais à part quelques timides essais de paysage par Altdorffer et des portraits assez remarquables d’Aldegrever et surtout de G. Pencz, elles ne méritent que peu d’attention. Leurs compositions nous offrent des spécimens déplaisans de ce style bizarre, surchargé de détails incohérens, où le gothique se mêle à la renaissance et qui semble un avant-goût de ce rococo dont deux siècles plus tard l’Allemagne sera infestée. Ce n’est pas de Cranach qu’on pouvait attendre une rénovation. Mêlé de près à la vie agitée de ce temps, il a dû sans doute à ses relations plus qu’à son talent la renommée dont il a joui. Comme presque toutes les collections allemandes, le musée de Berlin possède sa bonne part de ces portraits des premiers réformateurs sur lesquels le peintre a un peu trop prodigué le dragon ailé qui lui sert de signature. Ce monogramme, si souvent répété qu’il semble une marque de fabrique, n’est pas non plus une recommandation bien efficace pour les tableaux où, sous les noms d’Eve, de Diane ou de Vénus, nous retrouvons le type toujours pareil d’un modèle dont Cranach a beaucoup abusé et qui promène à travers la campagne la gaucherie minaudière d’une nudité qui n’a jamais la beauté pour excuse. Quant à Cranach le jeune, sa Fontaine de Jouvence est tout à fait grotesque, et il n’était guère de sujet assurément qui pût mieux lui permettre d’étaler le mauvais goût et la vulgarité qui le caractérisent.

Un seul homme, à cette époque, eût été à même d’exercer sur l’art allemand une influence vraiment féconde, en le ramenant, par son propre exemple, à la simplicité. Mais au moment même où son talent aurait pu lui assurer cette influence, Holbein quittait l’Allemagne pour n’y plus revenir. Sans prétendre au rôle de novateur, sans avoir même des aspirations aussi variées, ni peut-être aussi hautes que le maître de Nuremberg, Holbein, du moins, ne visa jamais qu’un but qu’il pouvait atteindre. Tandis que chez Dürer une technique défectueuse a ruiné la plupart de ses tableaux dans lesquels d’ailleurs la facture est sèche, la couleur insignifiante et le dessin