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Remontrance paternelle. Malgré l’invraisemblance de ce titre, qui ne s’accorde guère avec l’âge des personnages mis en présence, Goethe a cru devoir le confirmer par le commentaire qu’il a donné ide la composition de Terburg dans les Affinités électives. Goethe cédait à une manie trop commune à cette époque et à laquelle Diderot, dans ses Salons, avait aussi largement sacrifié : celle de croire qu’une anecdote romanesque accolée A une œuvre d’art doit ajouter à son prix et la recommander à notre admiration. Sans rendre Terburg responsable de la dénomination infligée à son œuvre, nous préférons, et de beaucoup, à celle-ci cette Famille du rémouleur, sur laquelle il serait, croyons-nous, difficile de broder quelque histoire. On n’imagine pas sujet plus simple : un ouvrier occupé à aiguiser une faux ; un autre qui le regarde, pendant qu’assise auprès d’eux sur une chaise basse, une mère se livre à travers l’épaisse chevelure de sa petite fille à de minutieuses recherches. Il n’y a pas là, on en conviendra, matière à sentiment. Mais ces petits personnages sont d’un dessin si ferme, si juste, si net et d’une couleur si élégante, cette arrière-cour où tant de débris sans nom sont venus échouer dans un désordre si pittoresque, ces baraques d’équilibre hasardeux avec leurs murailles dont le crépi se désagrège, cette eau qui s’épanche sur la meule pour se perdre ensuite entre les pavés disjoints, tous ces mille détails, tous ces riens sont exprimés avec tant de goût et avec une telle habileté qu’il faudrait, en vérité, n’avoir aucune idée de ce que vaut la perfection pour ne pas trouver partout où le regard se pose l’occasion d’admirations nouvelles. Notez encore qu’avec des élémens si compliqués, l’aspect reste d’une simplicité extrême, et le même peintre qui, dans le Congrès de Munster, où dans des scènes intimes d’une observation si pénétrante, a su rendre la lumière étouffée des intérieurs hollandais, abordant ici, sous un jour clair et avec tous ces périls réunis, le redoutable problème du plein air, arrive à nous montrer chacun de ces détails à son plan, reflété, enveloppé, avec son importance relative et sa coloration exacte.

Il y a bien du talent aussi chez Metsu. Venu après Terburg, il a profité à ce point de ses exemples qu’il est parfois permis d’hésiter entre eus deux. S’ils offrent bien des analogies, ils n’en ont pas moins leurs traits distinctifs, et en de tels rapprochemens on reconnaît une fois de plus de quelles nuances voisines est faite la perfection, et en même temps, pour qui sait voir, quelles différences elle comporte. La Famille du négociant Gelfing est un des ouvrages les plus soignés de Metsu. Mais, au milieu de cet intérieur somptueux, ces bonnes gens, endimanchés et raides dans leurs vêtemens de gala, paraissent assez dépaysés. Tout ce luxe est de fraîche date, ils n’y sont pas encore faits, et semblent en visite. L’artiste, pour les