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violemment sur un lit de rocaille. J’ai suivi les détours de ce défilé jusqu’à une certaine distance, et j’en reviens à penser qu’à partir des chutes, il n’a pas plus de 3 kilomètres. C’est une succession de ravins, de montagnes et de vallées. Au fond de cette gorge, le Zambèze ne paraît pas plus large qu’un torrent gonflé des montagnes d’Ecosse. L’inconvénient de cette admirable scène est d’être masquée, précisément là où elle affairait de plus de grandeur, par les nuages épais qui s’élèvent au fond et voilent les chutes principales. Ce sont les nappes les moins importantes qui seules peuvent être suivies du regard. » Dans la description qu’il fait du même spectacle, Livingstone dit que les rayons du soleil communiquent aux panaches vaporeux une teinte sulfureuse qui fait ressembler ce gouffre béant à la gueule de l’enfer.

Le Shire, un des affluens du Zambèze, a également des cataractes importantes. Sortant du lac Nyassa, dont il paraît être le prolongement, il est dans la partie supérieure à un niveau de 400 mètres plus élevé que dans son cours inférieur, et il rachète cette différence par plusieurs chutes dont la plus importante tombe à une profondeur de 30 mètres sur une largeur de 100 mètres environ en projetant dans les airs d’innombrables parcelles de mica qui scintillent au soleil et qui sont dues à l’érosion de la roche par les eaux. Ici, comme au Niagara, le seuil de la cataracte recule chaque année et sa disparition n’est qu’une affaire de temps. La plupart des cours d’eau de cette région sont dans le même cas. Le Nil et le Congo eux-mêmes ne peuvent passer du plateau élevé du centre de l’Afrique dans les plaines qu’ils arrosent que par des chutes successives, dont quelques-unes ont, comme celle du Zambèze, une imposante majesté.

Pour en revenir au soulèvement de l’Afrique, dont ces diverses cataractes sont une manifestation, nous en trouvons une nouvelle preuve dans l’inclinaison des couches ardoisières qu’on remarque sur divers points de la colonie et notamment dans les rues mêmes du Cap. Les matières, suspendues dans l’eau, qui ont constitué ces couches, n’ont pu être déposées qu’horizontalement ; si donc elles sont aujourd’hui inclinées, c’est parce qu’elles ont été soulevées par une éruption de granit en fusion qui les a brisées et relevées sur leur base. Lorsque cette éruption n’a pas été assez forte pour vaincre la pression exercée par les eaux sur ces masses encore plastiques, celles-ci n’ont pas éprouvé de rupture et ont été simplement soulevées en forme d’ampoule. C’est du reste la forme qu’affecte le continent africain tout entier. Certaines chaînes de montagne ont été soulevées par l’expansion du granit à travers les schistes ardoisiers avant le dépôt du terrain silurien et du vieux grès ronge