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que momentanément. Que le général Ignatief ait donné sa démission, comme on l’a dit, ou qu’il reste ministre de l’intérieur, cela n’a qu’une apparence de signification. On a eu soin, il y a quelque temps, de rappeler officiellement qu’il n’y avait en Russie qu’une politique, celle du tsar, et la politique du tsar, bien qu’assez intermittente, est aujourd’hui pour la paix, pour les bonnes relations avec les puissans voisins de la Russie. La mission que le frère d’Alexandre III, le grand-duc Wladimir, remplit en ce moment en Allemagne, n’a point évidemment d’autre sens. Elle a pour objet la paix, la paix du moment. Le grand-duc n’est-il pas chargé d’aller plus loin, de renouer d’anciens liens, de faire revivre cette alliance des trois empereurs que M. de Bismarck avait imaginée un jour où il en avait besoin, à laquelle il a lestement renoncé depuis ? La question sur ce terrain deviendrait plus difficile ; tout s’est singulièrement compliqué depuis quelques années entre les deux empires, et il est à remarquer que, si le grand-duc Wladimir a pu passer quelques jours à Wiesbaden dans l’intimité de l’empereur Guillaume, il a eu beaucoup plus de peine à se rencontrer avec le chancelier. M. de Bismarck a bien assez de s’occuper de son système économique, de son monopole du tabac, de ses assurances ouvrières, de son compromis politico-ecclésiastique, de bien des choses qu’il a de la peine à conquérir sur ses assemblées multiples. Tout ce qu’il demande à la Russie, c’est de rester paisible, et pour le moment c’est à peu près acquis, les nuages ont disparu. Une année de paix gagnée, c’est le bienfait des peuples.

L’Angleterre est aujourd’hui la nation la moins occupée de politique extérieure. Depuis l’avènement du ministère libéral qui la dirige, elle s’est dégagée par degrés de cette série d’entreprises guerrières ou diplomatiques, expéditions lointaines et annexions où se plaisait le génie hardi de lord Beaconsfield. Elle n’a pas moins des affaires singulièrement laborieuses, et le ministère lui-même, après deux années de pouvoir, après avoir eu la popularité et l’ascendant, arrive peut-être à ce moment critique où, n’ayant plus le succès pour lui, il n’est sûr ni de sa propre autorité ni de la majorité qui l’a soutenu jusqu’ici. Il a subi des épreuves qui semblent l’avoir fatigué et le laissent assez embarrassé dans cette session qui recommence après les courtes vacances de Pâques. Le parlement vient de se réunir de nouveau, en effet, ces jours passés, et le premier acte du chef du cabinet a été de porter à la chambre des communes son exposé financier. M. Gladstone a été longtemps et il est encore un maître dans l’art de faire un budget. Malheureusement, même sous ce rapport, la fortune semble moins brillante pour lui. Il n’en est plus à ces exposés triomphans par lesquels il éblouissait autrefois les communes, à ces excédens, à ces plus-values qui lui permettaient les dégrèvemens bienfaisans, et ce qui se passe aujourd’hui au-delà de la Manche est certes l’exemple le plus