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commission qu’il tint à honneur de présider et qui fut chargée d’examiner sous toutes ses faces ce grand problème. Dès la première séance, il avait fait le tableau de l’impulsion générale sur le continent, comme en Angleterre. « Seuls, disait-il, nous ne pouvons rester immobiles au milieu de ce mouvement. — Comment et par qui se feront les chemins de fer en France ? C’est la première question qui vous sera soumise. Sera-ce par l’état ou par les compagnies ? S’il convient qu’il y ait concours de l’état et des compagnies, quelle sera la nature, quel sera le mode de ce concours ? L’état accordera-t-il une subvention aux compagnies ? Leur garantira-t-il un minimum d’intérêts ? Viendra-t-il à leur secours par un prêt comme en Angleterre ? Se rendra-t-il actionnaire dans l’entreprise comme en Amérique ? Ou bien les départemens, les villes même, accorderont-elles une subvention comme en Irlande ? »

À ces questions si nettement résumées le ministre joignait l’étude du cahier des charges, la constitution des sociétés et la réforme de la législation sur l’expropriation pour cause d’utilité publique. Pendant trois mois, les séances se succédèrent et le travail commun fut conduit avec une rare persistance. M. Dufaure souhaitait trop vivement le développement de l’association pour hésiter à défendre l’exécution par les compagnies ; mais les chances à courir étaient telles, l’expérience si nouvelle qu’il chercha à rétrécir le champ des risques ; c’est à lui que revient l’honneur d’avoir imaginé et fait prévaloir une transaction dont la sagesse a été reconnue depuis. Toutes les déceptions, tous les mécomptes avaient porté sur le prix imprévu des terres expropriées et sur la construction des travaux d’art. À coup sûr, avec le temps, l’expérience se formerait, mais il fallait éviter de faire peser les conséquences des faux calculs sur des actionnaires que découragerait la moindre erreur. L’état seul devait s’engager dans cette voie nouvelle pour frayer la route ; il exproprierait, ses ingénieurs exécuteraient les terrassemens et élèveraient les travaux d’art, tandis que les compagnies n’auraient qu’à étendre le ballast et à poser les rails. Pour elles, aucune surprise n’était à craindre. Dans le partage des dépenses, l’état se réservait l’inconnu, assumait tous les risques. M. Dufaure eut à vaincre des résistances sérieuses, mais il parvint à triompher des préjugés et à déterminer la majorité de la commission.

Il soutint avec non moins de vivacité un procédé qui offrait aux compagnies le concours de l’état sous une forme nouvelle. Au prêt direct, aux souscriptions d’actions, il préférait de beaucoup la « garantie d’intérêt, » qui devait rassurer les capitaux privés, sans rien enlever aux compagnies de leur indépendance. Il développa les avantages de ce système ; il ne put obtenir que la commission lui