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ses yeux, il y avait quatre questions qui présentaient alors un intérêt capital : le rétablissement du concert européen, la réorganisation des forces militaires, la transformation de notre marine, et l’amélioration de nos finances. À ces questions de premier ordre il était résolu à tout subordonner. Il croyait les ministres prêts à les étudier et à les résoudre. Il votait donc pour le cabinet. C’était d’ailleurs vers les travaux publics et vers les lois spéciales qu’une prédilection le ramenait. Les longues discussions sur l’expropriation en 1841, sur les chemins de fer en 1842 l’absorbèrent. Son rapport sur le réseau d’ensemble est un des documens les plus considérables de ce temps. D’une rare lucidité, parfois d’une sobriété éloquente, cet exposé ouvrit les yeux des plus rebelles. L’état entreprenait les travaux, avançait 475 millions en dix ans et ne laissait aux compagnies fermières que le soin de poser le ballast et les rails. M. Dufaure rencontra dans ce débat l’occasion qu’il cherchait toujours de combattre les « passions locales qui abaissaient trop souvent les délibérations de la chambre, et de convier ses collègues aux idées générales qui seules pouvaient les rendre fécondes. » Non-seulement il obtint le vote, mais rapporteur dans les années suivantes de plusieurs lois de concession, il eut la légitime satisfaction de constater le plein succès du plan dont il avait contribué à poser les bases.

Nous ne pouvons le suivre dans toutes les discussions auxquelles il se mêla, soit qu’il réclamât pour les fonctions publiques des conditions d’admissibilité qui assurassent la capacité en restreignant la faveur, soit qu’il professât de son respect envers la magistrature en demandant la réduction par voie d’extinction du nombre des juges et l’élévation de leurs traitemens, soit qu’il obtînt l’établissement du concours pour l’auditorat au conseil d’état. Si nous voulions étudier à sa suite toutes les questions qu’il a traitées, il nous faudrait suivre l’histoire de nos établissemens africains dont il défendait à chaque session l’importance et l’avenir, insister sur le développement de nos relations commerciales qui exigeaient non-seulement des routes aboutissant à la mer et l’extension de nos ports, mais des débouchés lointains et la vigilance d’une force toujours prête à faire respecter le pavillon français. La marine était une des préoccupations les plus vives, une des pensées constantes du député de Saintes ; son cœur battait en parlant de nos flottes ; du sang de marin coulait dans ses veines. Il faut relire les discours, les moindres observations qu’il eut occasion de faire à ce sujet ; elles portent le reflet d’une émotion qui remuait ses auditeurs. Uni par une communauté d’attachement aux plus illustres chefs de nos escadres, lié avec les Duperré, les Roussin, il éprouvait pour les vétérans de notre armée de mer une sympathie qui devint avec le temps la plus solide des amitiés. C’étaient là ses véritables joies. Quand il pouvait éviter un débat