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analogues pourraient, sous Alexandre III, être remis sur le tapis. En attendant, ce qu’il n’a pas encore osé faire d’une manière régulière et permanente, pour le conseil de l’empire, le gouvernement impérial l’a déjà pratiqué partiellement pour quelques-unes de ses grandes commissions législatives. Comme Alexandre II avait, lors de l’émancipation, appelé, dans les comités de rédaction, des membres des assemblées de la noblesse, Alexandre III a déjà en une ou deux occasions fait siéger, dans ses commissions, des membres des zemstvos. En cette modeste mesure, les délégués de la société n’étant même pas choisis par ses représentans élus, on peut dire que le pays est déjà invité parfois à donner son avis sur certaines affaires ; mais, de quelque manière que soient composées les assemblées délibérantes, conseil de l’empire ou commissions spéciales, ces assemblées ne sont jamais que consultatives ; le pouvoir législatif reste intégralement dans la main de l’empereur.

Comme pour mettre cette vérité plus en relief, pour mieux rappeler au conseil de l’empire l’humilité de son rôle et la vanité de ses délibérations, ce conseil, en droit le premier corps de l’état, ne se prononce même pas, à proprement parler, sur les projets qui lui sont présentés. Afin de mieux constater l’indépendance de la volonté impériale et de n’en point gêner l’omnipotence, on ne soumet pas à l’empereur les décisions prises par la majorité du conseil, mais bien simultanément l’avis de la majorité et l’avis de la minorité, ainsi mises officiellement sur le même rang. Qu’on imagine un pareil système appliqué à des chambres représentatives, et un gouvernement également libre d’opter entre la majorité et la minorité. Si certaines influences ou certaines doctrines venaient à prévaloir près du tsar, c’est pourtant là le spectacle que la Russie pourrait un jour offrir à l’Europe.

Là où les grands corps de l’état ne sont que les humbles agens du pouvoir autocratique, les ministres ne sauraient être autre chose. L’érection des ministères est à peu près contemporaine de la fondation du conseil de l’empire. C’est encore là une création de l’empereur Alexandre Ier qui, ambitionnant la gloire de réformateur, cherchait à donner à ses peuples des institutions plus en rapport avec celles des grands états européens. C’est par un ukase de 1802 que les ministères furent substitués aux collèges de Pierre le Grand, lesquels n’étaient guère au fond que les anciens prikases moscovites, remaniés sur le modèle des administrations collégiales en honneur chez nous au temps de la régence.

Les anciens collèges avaient donné lieu à des reproches inhérens au système collégial même ; ils n’en furent pas moins regrettés de quelques hommes d’état, inquiets de l’étendue des pouvoirs confiés