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quelques kilomètres au-delà, comme au sud d’Alger, s’élèvent des montagnes de hauteurs diverses, plus ou moins parallèles à la mer. Ces massifs montagneux sont interrompus par des plaines situées à une forte altitude, et qu’on appelle les hauts plateaux. Ces hauts plateaux à leur tour se terminent par des montagnes dont la pente est dirigée vers le centre de l’Afrique, c’est-à-dire vers le Sahara. Il suit de là que les fleuves ou rivières qui prennent leur source dans les hauts plateaux et dans la région montagneuse, descendent, les uns au nord dans la région méditerranéenne, les autres au sud dans la région saharienne.

Une autre conséquence de cette disposition du sol est que le climat, la faune et la flore diffèrent dans les trois régions. Le voyageur qui traverse l’Algérie du nord au sud rencontrera d’abord la zone du littoral, avec son caractère essentiellement méditerranéen ; des oliviers, de la vigne, des orangers, des aloès, comme à Blidah, Alger, Oran. Là les palmiers sont rares et les dattes mûrissent mal. Un climat doux et chaud y règne, même en hiver. Au contraire, dans les hauts plateaux, dans les montagnes de la Kabylie, de l’Aurès, etc., comme à Saïda et à Batna, l’olivier et la vigne poussent mal ; dans les hivers rigoureux, comme celui de 1882, il tombe beaucoup de neige, et le froid y est parfois extrêmement vif. Au-delà de ces montagnes, l’aspect du pays, le climat et la faune se transforment presque subitement. La température y est, en été, par suite de l’extrême chaleur, difficilement supportable pour l’Européen, alors qu’en hiver elle descend plus bas que celle des régions méditerranéennes. La vigne et l’olivier sont remplacés par le dattier. Nulle végétation ne couvre le sol dénudé ; et on n’observe, à part quelques maigres touffes de lentisques, de verdure que dans les oasis, qui, de place en place, interrompent l’implacable monotonie des pierres et du sable.

Quelquefois la transition entre les deux zones est lente ; quelquefois elle est très brusque. On pourrait citer à cet effet l’exemple bien connu des gorges d’El-Cantara. Du côté de Batna, des ifs, des oliviers, quelques maisons européennes, abritées au pied de la montagne. Mais, si l’on suit la route qui entaille profondément le massif montagneux, fissure naturelle entre des blocs énormes, le spectacle change tout à coup. C’est une vaste étendue de sable qui s’offre au regard, alors que, pour se reposer de cette vue désolante, on a sous les yeux, tout près de soi, une oasis verdoyante hérissée de beaux palmiers. Il n’y a pas cent mètres de distance entre ces deux paysages si différens, et ce qui rehausse encore le contraste, c’est qu’au milieu de l’oasis est un village arabe, composé de maisons bâties en troncs de palmier et en boue, comme sont les villages du Sahara et probablement ceux du centre de l’Afrique.