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pas détestée. Si l’on reprochait à l’épiscopat le chiffre exagéré de ses revenus et ses habitudes aristocratiques, le clergé rural, mêlé à la population, partageant sa vie, ses idées, ses croyances, était plus favorablement jugé. La poésie, le roman avaient popularisé la figure du vicaire de campagne. Pour tout dire d’un mot, l’église établie, en Angleterre, était une église nationale ; en Irlande, elle était une église antinationale. Jamais Goldsmith n’aurait placé dans une paroisse du comté de Cork ou du comté de Carlow son Vicaire de Wakefield. Le seul clergé populaire en Irlande, le seul qui fût de cœur et d’âme avec la population, le clergé catholique : , était réduit à vivre de la charité des fidèles et à glaner quelques maigres subsides après que l’église étrangère avait prélevé son opulente dotation.

Si choquant que fût ce contraste, si révoltant que fût un système en vertu duquel un budget de plus de 20 millions de francs était payé par une population de 7 millions de catholiques pour être affecté aux besoins religieux d’une population de 800,000 protestans, la situation de l’église anglicane d’Irlande ne fut pas ce qui préoccupa O’Connell au lendemain de l’acte d’émancipation de 1829. Les hommes d’état, les chefs de partis sont naturellement enclins à placer au premier plan les questions purement politiques. O’Connell était certainement un catholique très sincère et même très ardent. Cependant, à ses débuts dans la vie politique, il avait laissé à l’écart la question religieuse pour réclamer, d’accord avec l’opposition protestante, le rappel de l’union, c’est-à-dire la séparation législative de l’Angleterre et de l’Irlande. Après 1829, il revint à sa première idée. Le gouvernement, en accordant l’émancipation, avait supprimé l’association catholique. O’Conneli forma, une association des amis de l’Irlande, puis une association antiunioniste et enfin une association des volontaires irlandais. Sous des noms différens ces trois associations avaient un seul et même but : préparer et réclamer le rappel de l’union. Les deux premières sociétés avaient été supprimées et la troisième allait subir le même sort, lorsqu’une révolution ministérielle survint en Angleterre. Les whigs arrivèrent au pouvoir avec lord Grey (1830). Ils changèrent immédiatement le personnel de la haute administration irlandaise. Le secrétaire en chef d’Irlande, Hardinge, objet de l’hostilité particulière d’O’Connell, fut remplacé par Edouard Stanley, fils du comte Derby et l’espoir, à cette époque, du parti libéral. Le marquis d’Anglesey reprit le poste de vice-(roi d’Irlande, qu’il avait occupé un moment sous Wellington et qu’il avait dû quitter parce qu’il avait compris avant le ministère la nécessité d’admettre une partie au moins des réclamations de l’Irlande catholique.

Ces nominations ne produisirent qu’un apaisement momentané.