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talent avec lequel M. J. Didier s’est tiré de ces sujets si anti-plastiques et par conséquent si contraires à sa nature : la charpente, la construction, la taille des pierres, la cuisson au four des céramiques. Il s’est retrouvé lui-même dans les scènes champêtres du labour et de la moisson. Dans une autre longue toile, M. Baudoin a retracé d’une façon pittoresque l’Histoire du blé. L’harmonie de cette toile est blonde ; c’était en situation. M. Paul Pompon a personnifié par deux belles femmes demi-nues la Marine marchande et la Marine militaire. Ce peintre entend bien la peinture décorative, ses tons clairs et ses partis-pris de largeur. Nous aimons à croire que le tableau de M. Henri Motte n’est point une commande de la mairie du XIe arrondissement, quoique la scène qu’il représente appartienne à l’histoire de ce quartier. C’est l’exécution des otages, à la Roquette, le 24 mai 1871. La vue est prise du mur du chemin de ronde contre lequel ont été fusillés les prisonniers. Au premier plan, l’archevêque de Paris, le sénateur Bonjean et des prêtres gisent à terre, frappés par les balles. Les attitudes sont quelque peu théâtrales. M. Bonjean tombe dans une pose à la Frédérick-Lemaître. Mais, au fond, le rang des fédérés qui, noyés dans la brume du petit jour et dans la fumée de la poudre, rechargent leurs armes, a une impression saisissante. On croirait que ces misérables s’apprêtent à tirer sur vous, et on aurait fort envie de prendre un fusil pour leur riposter. La Grève des forgerons, sujet inspiré à M. Soyer par les vers de François Coppée, n’est pas davantage une commande municipale, cela s’entend. Mais cette grande toile entre aussi dans la nouvelle peinture démocratique. Une heureuse distribution de la lumière sauve le tableau de M. Soyer de ressembler à une fin d’acte. Si ce n’était cette lampe à pétrole qui, suspendue au plafond, reflète sa clarté rousse sur les personnages du premier plan en laissant les autres dans l’ombre, on croirait ce tableau, non point composé par un peintre, mais mis en scène par un régisseur. D’ailleurs les attitudes sont bonnes et l’expression des physionomies bien rendues dans la colère et dans l’effroi.

M. Guesnet nous ouvre de plus rians horizons. Des hommes nus, montés sur d’ardens chevaux, courent le cerf dans un beau paysage qui verdoie à l’infini sous le soleil qui poudroie. C’est par cette même lumière dorée que M. Luminais a éclairé ses Gauloises de Pendant la guerre. Les hommes sont partis avec leurs chevaux pour combattre César ; pendant ce temps, les femmes traînent la charrue. Et soyez assurés que ces vigoureuses femelles, aux formes robustes et à l’air sauvage, font pénétrer le soc bien avant dans la terre. Ces formes robustes, ces chairs saines, cette couleur lumineuse, cette large exécution, on les retrouve dans les Satyres et le Passant de M. Foubert. Le rustre de la fable se dissimule dans la pénombre